Le chemin. Tempêtes, escales, victoires
Le Chemin, que je viens de lire avec un intérêt passionné, a été couronné par le Prix Raymond-Poincaré, attribué par l’Union nationale des officiers de réserve (Unor), afin « de susciter dans l’opinion publique un climat favorable à l’armée ». Après de nombreux ouvrages du même auteur, cette œuvre d’une haute portée, représente l’un des sommets de notre littérature militaire contemporaine. Sans faiblesses, sans bavures, elle s’inscrit dans les meilleurs témoignages de notre temps. Sa voix pure et claire comme une source de montagne, à juste titre, inspire une admiration profonde.
Dans ce film du souvenir, totalement dépourvu d’orgueil, le général Ingold bien sûr occupe le premier plan. On ne peut imaginer vie plus droite et plus remplie. Les natures d’un aussi pur diamant sont rares. Tant de vertu, de dévouement sont difficilement rassemblés dans un homme. Avec lui, c’est tout un demi-siècle qui défile sous nos yeux : la guerre de 1914-1918, le Maroc avec Lyautey, les séjours dans les garnisons de la métropole ou dans les postes lointains de la plus Grande France, de celle qui déroule ses paysages, ses traditions et ses richesses à des milliers de kilomètres par-delà les mers ; de celle qui, dans la période encore héroïque, rapproche le général Ingold de tous ces fiers guerriers, Bambaras et Saras, solides et dévoués jusqu’à la mort, apportant le mystère des jungles et des forêts. « Je les aimais, mes Africains, et je savais bien qu’un jour ils m’aimeraient. J’aimais leur rire, le bruit de leurs pas dans le sable, les cliquetis de leurs équipements. J’aimais découvrir leurs joies, leurs fatigues, leurs enthousiasmes. Avec eux, mon chemin semblait monter à l’infini. » Et c’est enfin le Tchad, la Tripolitaine, avec Leclerc et la France libérée.
Le Chemin est un exemple. Exemple tenant à notre sol par toutes ses racines, étant de nos terroirs comme le vin de nos coteaux alsaciens, sous le charme desquels se déroule toute l’enfance du général Ingold qui représente le grand et solide caractère de chef, bien fait pour enflammer les âmes et éclairer la route du devoir.
Son combat est un élan et une foi. Possédé par cette entité bien réelle, la Patrie, il paye d’exemple et ne lésine pas. Stupéfiant d’audace, avec un luxe de bravoure insolent, il accepte le risque continuel et sait commander quand la mort rôde. Il trouve dans sa foi de chrétien la force de supporter avec une résignation édifiante les épreuves qui, dans les années de violences, d’angoisses et de deuils, le frappent sans jamais l’accabler. Inébranlable dans l’adversité, inflexible dans ses résolutions, il parvient ainsi à dompter le destin et à sortir victorieux de la lutte.
Cet homme de guerre, à qui rien d’humain ne demeure étranger, aime aussi la conciliation et les joies de la paix. Tout imprégné d’optimisme et de confiance, sévère pour soi et indulgent pour les autres, il se garde toujours des condamnations majeures et s’élève au-dessus des passions. Scrupuleux, attentif à tout peser, il s’abstient de tout ce qui peut blesser, goûte cette vraie fraternité, ce mutuel épanchement des cœurs qui élèvent les âmes, rapprochent les hommes, les amènent à se mieux comprendre et à se respecter.
L’amour du beau, le culte de l’idéal, l’étude sont pour le général Ingold un vrai délassement. Homme de haute culture, le général a tout vu, car il a beaucoup voyagé. Il donne libre cours à son appétit de savoir qui a toujours été le sien. Littérature, philosophie, droit, il les mène de pair avec ses recherches historiques, ses travaux tactiques, chacune des matières assimilée et longuement réfléchie, éclairant et étayant les autres dans l’équilibre heureux d’une tête bien faite qui honore l’Armée.
Le Chemin, livre substantiel, riche de psychologie et d’impressions, écrit dans une langue remarquablement aisée et limpide, apporte aux jeunes officiers une admirable leçon d’énergie et des raisons d’espérer. ♦