Il est significatif que ce livre, consacré au « monde atlantique » se termine par un point d’interrogation.

L’auteur démontre qu’il existe effectivement un monde atlantique, né d’une même civilisation, respectant une même éthique. Mais il pose la question de savoir si ce monde continuera d’exister, s’il ne parvient pas à « transcender ses discordances » et à les intégrer en les respectant.

Le monde atlantique, c’est le monde occidental, groupé autour de l’Océan comme autrefois le monde romain autour de la Méditerranée, et, comme le monde romain aussi, dépassant largement les limites purement géographiques que suggèrent des appellations trop localisées. L’auteur en étudie la formation, en explique la structure actuelle après les transformations historiques qu’il a subies, et, dans une analyse très fine, en expose la psychologie si nuancée et si diverse, suivant que l’on considère l’Europe ou l’Amérique. Il examine ensuite les impératifs stratégiques et termine en énumérant les perspectives d’avenir qui s’ouvrent devant ce monde atlantique.

Il est difficile de rendre compte de la densité d’un ouvrage aussi court, qui passe en revue tous les grands problèmes actuels et les synthétise de façon particulièrement frappante. Pour l’auteur, le monde atlantique est une création de la géographie et de l’histoire ; il a eu conscience d’exister avant que le danger communiste ne le contraigne à se former en une alliance militaire ; mais celle-ci a concrétisé davantage son unité, en même temps qu’elle faisait davantage aussi apparaître les discordances entre les États et entre les peuples qui s’alliaient. L’alliance est née d’un péril évident et momentané ; si elle n’était qu’une alliance, elle disparaîtrait d’elle-même dès que le péril s’atténuerait. Mais, au-delà de l’alliance, il y a cette communauté de pensée, de civilisation, de culture qui est tout autre chose qu’une union temporaire d’intérêts. Sera-t-elle assez forte pour résister aux rivalités internes inévitables, mais mesquines, pour arrêter les propagandes communistes, les revendications des peuples africains, tous ces germes de destruction qui viennent d’autres mondes et qui se présentent souvent comme les germes d’un monde nouveau ?

Il fallait beaucoup de talent pour réussir, en un si petit nombre de pages, une étude aussi poussée et aussi complète de la situation du monde atlantique d’aujourd’hui, en l’éclairant par son passé et en développant des hypothèses sur son avenir. Ce livre est mieux et beaucoup plus que de l’information, de la mise à jour des connaissances sur une question particulière. C’est un livre de réflexion, dont l’écho se prolonge dans l’esprit du lecteur, longtemps après qu’il a tourné la dernière page. ♦