L’homme dans l’harmonie universelle
Nous nous garderons bien de résumer ce livre, et plus encore d’en faire une critique, au sens courant de ce mot. Il s’agit en effet d’une œuvre philosophique, particulièrement dense, particulièrement synthétique, et qui s’appuie sur des connaissances scientifiques étendues. Nous tenterons donc seulement de la présenter.
Elle ne se lit pas d’un seul trait ; non que son abord en soit difficile – encore qu’il faille s’habituer à une terminologie et à une forme de pensée et d’expression particulières ; mais le raisonnement demande à être suivi de près, ce qui, pour un lecteur peu familier des questions scientifiques à caractère et à orientation philosophiques, demande un effort certain. L’auteur a exigé de lui-même et exige de son lecteur une concentration d’esprit et une démarche intellectuelle à la fois rigide et minutieuse.
Ce livre est un résumé de la « théorie harmonique », que l’auteur développe dans un ouvrage de plus vaste dimension, en cours de publication. Cette théorie entend concilier, dans une synthèse puissante et nuancée à la fois, les thèses divergentes qui résultent de la constatation, que chacun peut faire, du dualisme fondamental de la condition de l’homme, qui, comme l’écrivait Paul Valéry, oppose en lui « le sentiment d’être tout et l’évidence de n’être rien ». Du matérialisme le plus déterministe au spiritualisme le plus inspiré, il est possible de déduire, non pas un compromis, mais une somme ; cette somme est la théorie harmonique.
Elle repose sur des données rationnelles, et aboutit à des conceptions métaphysiques. Les penseurs et les savants modernes sont de plus en plus frappés par l’importance du rythme dans le monde matériel et dans le monde abstrait. Mais le rythme universel ne peut être qu’un effet d’une simplicité originelle et d’une harmonie fonctionnelle. Rythme, simplicité, harmonie sont les trois notions fondamentales de la théorie exposée.
L’histoire de l’évolution du monde montre qu’elle comprend trois stades, ou plutôt trois étages, dont le second s’est dégagé du premier, puis le troisième du second : la matière, la vie, la conscience. Cette évolution obéit à des règles simples, d’autant plus simples, pourrait-on dire, que les structures qu’elle fait naître sont plus complexes. C’est ainsi, pour faire comprendre ce processus par une comparaison tirée de la vie quotidienne, qu’une machine évolue en devenant d’un emploi de plus en plus simple et par conséquent de plus en plus facile pour l’usager, alors que les pièces qui la composent deviennent de plus en plus complexes ; mais l’ingénieur qui conçoit et réalise progressivement les modèles successifs de la machine est amené, obligatoirement, à rechercher la simplicité de la conception alors qu’il admet la complexité de la structure ; si bien qu’il faut que la loi de simplicité soit respectée pour que la machine puisse être complexe, et servir dans de meilleures conditions aux fins auxquelles elle est destinée.
Ce dualisme entre la simplicité et la complexité se retrouve dans toutes les sciences ; dans les mathématiques, dans les sciences physiques, dans les sciences biologiques, en psychologie. Il conduit à des alternances, mais davantage encore à des harmonies, donc à des rythmes qui caractérisent la matière, la vie et la conscience.
Il n’est pas possible d’admettre que l’harmonie universelle n’ait pas été pensée et voulue. « C’est parce que ce monde est harmonieux qu’il est divin », écrivait Henri Poincaré. À l’origine, il y a donc Dieu, dont le plan se manifeste par la convergence des objectifs et par la simplicité des moyens employés, ce que confirment de façon particulièrement remarquable les études atomiques récentes. Il n’y a pas de contradiction, au contraire, entre les données scientifiques et les données de la Genèse, si l’on dépouille celles-ci de leur signification littérale. L’homme est apparu sur la terre comme le seul représentant de la conscience, comme un produit de haute qualité, pour la création duquel il avait, fallu l’énorme quantité de matière et de vie qui existe et se transforme dans le monde. Obéissant à un déterminisme partiel, mais aussi partiellement libre, il est, grâce à sa conscience, « le résonateur-transformateur privilégié des harmonies du cosmos ». Évoluant lui-même, il a d’abord été « l’homo-faber », puis « l’homo-sapiens » ; actuellement, il est un « homo-superfaber ». Mais devant lui s’ouvrent les perspectives des temps où il sera devenu – du moins par son élite – un « homo-supersapiens », dont le rôle sera de gouverner et de régir, donc de faire régner l’harmonie ; à la condition essentielle qu’il ait su, d’abord, réaliser l’harmonie en lui. Ce qui ne pourra s’accomplir que lorsque la science et la technique, contrairement à ce qui existe actuellement, ne seront plus indifférentes à son évolution morale et spirituelle.
Nous avons insisté davantage sur la partie métaphysique de l’ouvrage, car c’est elle, nous semble-t-il, qui donne le mieux la portée générale de la théorie de M. André Lamouche. Mais le lecteur trouvera dans son ouvrage de longs développements sur les sciences et leur interprétation, auxquelles sont consacrés les deux tiers du livre.
Puissions-nous, dans cette rapide et insuffisante présentation, ne pas avoir trop grossièrement trahi la pensée de l’auteur ! ♦