Les Bourgeois conquérants
Les Bourgeois conquérants, tel est le titre du huitième ouvrage d’une collection qui en comprendra neuf et qui se propose d’évoquer l’histoire du monde, selon les grands problèmes qui nous préoccupent, « Penser par problèmes » disait le fondateur de cette collection, Lucien Febvre. Cette série d’ouvrages d’histoire ne présente donc pas un catalogue des faits et des gestes ; mais elle s’efforce de faire comprendre les grands ensembles.
À Charles Morazé a été confiée l’histoire du XIXe siècle, caractérisée par la place de l’Europe, par son expansion, sa richesse, ses découvertes, ses progrès : œuvre des Bourgeois. Certes, l’auteur à ce siècle annexe les vingt dernières années du siècle précédent ; mais il laisse le XXe – objet de l’ouvrage suivant – commencer en 1880, car à cette date l’Europe n’est plus seule.
De 1870 à 1880, il nous fait passer du cheval au moteur, de la chandelle à l’électricité. Paul Valéry a écrit qu’à cette époque : « tout est venu en Europe et tout en est venu. Ou presque tout ». Le sort de la planète se règle, en effet, à Londres, à Paris ou à Berlin. Dans ces capitales se livrent les grandes batailles financières et des conseils d’administration décident de l’industrialisation de telles ou telles contrées, de l’exploitation de tels ou tels gisements, en somme de la vie de millions d’êtres. « Jamais une telle puissance n’a été réunie en si peu de mains sur un si étroit canton de la terre »
Après avoir décrit la jeune Europe de 1780, face aux vieux mondes chinois et indien, catholique et musulman, l’auteur nous explique la période des révolutions bourgeoises qui s’étend de 1780 à 1848 : destruction des anciennes monarchies conservatrices, proclamation de la liberté d’entreprise.
1848, année de crise où « le peuple de Paris tente de se rendre maître du progrès ». Les bourgeois ont eu peur. Mais le capitalisme vainqueur amène au pouvoir Napoléon III et Bismarck ; les bourgeois d’Europe repartent à la conquête du monde. « Sur tous les continents, ils se fraient rudement un passage, apportant des guerres, provoquant des révoltes, mais partout victorieux ».
Victoire incomplète cependant car la Chine reste impénétrable, l’Inde est à peine égratignée sur les bords, l’Afrique exige un effort épuisant.
En cette fin du XIXe siècle, l’avenir paraît assuré, mais la puissance européenne va opérer sa propre destruction au cours de deux guerres apocalyptiques, inconcevables. « À son apogée se dressent les fissures du déclin ». C’est la conclusion de l’auteur au terme de l’histoire de cette bourgeoisie européenne, qui s’est perdue par son égoïsme et aussi par son ignorance. ♦