Une Révolution antitotalitaire ; La Révolution hongroise : histoire du soulèvement d’octobre
Ouvrage épais, imprimé sur deux colonnes de typographie serrée, dont la lecture reste cependant passionnante. Les auteurs ont voulu grouper tous les documents relatifs aux événements de Hongrie, en octobre et novembre 1956 : articles de journaux, émissions radiophoniques, documents diplomatiques, récits de voyageurs et de témoins, relations faites par les combattants eux-mêmes. Ils ont puisé à toutes les sources : hongroise, occidentales, communistes également, de telle sorte que le lecteur puisse se faire une opinion à partir de points de vue divers et souvent opposés.
Le texte est divisé par journée ou par période, de façon que les événements puissent être suivis heure par heure, et parfois minute par minute. Une très importante introduction de Raymond Aron résume et commente le rapport de la Commission d’enquête de l’ONU, et met particulièrement en lumière l’indéniable agression du peuple hongrois par les forces armées soviétiques, soulignant ainsi la contradiction flagrante entre la théorie et la pratique du communisme moscoutaire. Un long épisode de François Bondy fait, en quelque sorte, la philosophie du drame vécu par la Hongrie et par le monde entier pendant les événements tragiques de 1956.
Des lecteurs communistes, s’ils sont convaincus et surtout disciplinés, hausseront les épaules ou se laisseront emporter par la colère, en lisant ce livre qui leur paraîtra un document de propagande impérialiste et bourgeoise. Mais peut-être certains, moins convaincus et moins disciplinés, y trouveront-ils matière à réflexion et à révision. Des lecteurs non communistes y trouveront, une fois de plus, des preuves accumulées que le fond de l’action communiste repose sur la duplicité et sur la violence. C’est sans doute suffisant pour caractériser l’esprit de l’ouvrage et sa portée.
Ceci dit, donne-t-il au lecteur une véritable histoire de la révolution hongroise ? Franchement, non. Les documents sont trop nombreux, trop divers, trop vivants peut-être, pour que leur suite puisse constituer une véritable histoire. C’est, en somme, de l’histoire à l’état brut, de l’histoire à laquelle il manque un historien pour faire le lien entre les faits et le lecteur. On peut le regretter ; on peut aussi s’en féliciter, suivant ce que cherche le lecteur. Il eut peut-être été préférable de faire précéder l’ensemble de la documentation d’un récit objectif et aussi précis que possible des faits, qu’auraient étayé les témoignages abondants que contient cet épais volume. En somme, il manque un guide à travers cette forêt, et le lecteur doit faire lui-même l’effort de retrouver son chemin.
Mais le but était d’apporter à l’opinion un ensemble de documents auxquels elle puisse se référer. Ces documents sont là, groupés ; une première lecture permet d’en prendre connaissance ; c’est ensuite peu à peu qu’il est possible de les exploiter et d’en tirer tous les enseignements. ♦