Ce rapport essaie de proposer une analyse théorique à caractère général de la fonction d'intégration à la société globale qu'exerce l'institution militaire. Il propose de distinguer deux aspects de cette fonction : « externe » et « interne ». La fonction d'intégration « externe » est celle que l'institution militaire exerce sur l'ensemble des éléments constitutifs de la société globale qui lui demeurent extérieurs, c'est-à-dire sur les secteurs non-militaires de la société globale. La fonction d'intégration dite « interne » est la fonction d'intégration à la société globale que l'armée exerce à l'égard des éléments constitutifs de cette société qui sont aussi des éléments constitutifs de l'institution militaire ; c'est la fonction d'intégration à la société globale qu'elle exerce en son sein. À partir de cette distinction, ce rapport tente de recenser les formes que peut prendre l'exercice de cette fonction, concrètes ou symboliques, manifestes ou latentes, etc. et envisage en conclusion les facteurs susceptibles de la mettre en cause. L'auteur a présenté sur le même sujet un rapport au Colloque de Manchester (British Inter Universitv Seminar, avril 1976).
L'institution militaire et sa fonction d'intégration à la société globale
Le but de cet article (1) est d’essayer d’approfondir la compréhension du système militaire français à partir d’une approche théorique de la fonction d’intégration à la société globale que remplit ou qu’est susceptible de remplir toute institution militaire. En effet, certaines des caractéristiques du système militaire français s’éclairent si on les rapporte à l’exercice explicite ou implicite de cette fonction.
C’est ainsi que l’adoption en France au XIXe siècle d’un système de conscription n’a sans doute pas été sans rapport, conscient ou non, avec l’exercice de cette fonction, ainsi qu’on aura l’occasion de le voir plus loin. De même, il n’est pas rare de voir aujourd’hui le maintien de ce mode de recrutement justifié par des considérations qui relèvent davantage de cette fonction d’intégration que de strictes raisons de technique militaire.
Sur un autre plan, on peut aussi considérer, par exemple, que la définition des droits et des obligations qui constituent le statut spécifique des membres de l’institution militaire est, pour partie, en relation avec cette fonction d’intégration. En effet, selon l’importance de la fonction d’intégration exercée par l’institution militaire considérée, selon aussi les modalités d’exercice de cette fonction, la définition de ces droits et de ces devoirs pourra être différente. C’est ainsi que, lorsqu’a été discutée à la Chambre des Députés la réorganisation de l’armée française après la défaite de 1870, les restrictions aux droits politiques des officiers furent justifiées en invoquant la mission de « formation de la jeunesse française » qu’allait désormais se voir confier l’armée (2).
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