Contribution à l’étude des Confréries religieuses musulmanes
« Le problème algérien, comme celui de l’Afrique du Nord dans son ensemble, est dominé par le facteur religieux, par « le fait musulman ». On n’aura pas vraiment compris l’une des données fondamentales de l’état des choses actuel tant qu’on n’aura pas mesuré toute la place que tient l’Islam dans la vie individuelle, familiale et sociale des Algériens autochtones », dit M. Jacques Soustelle dans sa préface.
L’auteur, d’autre part, écrit dans son avant-propos : « La conception française de l’État laïque se heurte donc en Afrique du Nord à la conception islamique de l’État théocratique. »
C’est cette constatation du fait qu’en terre d’Islam les problèmes religieux sont dominants et excluent souvent tous autres facteurs, qui a incité le général André à entreprendre cette étude. D’autant, ajoute-t-il, que l’Islam, bien qu’universaliste, n’est pas unitaire. Les confréries « (…) sont donc à étudier comme une des forces qui peuvent agir contre ou pour la France dans la fixation de son destin ».
Après avoir étudié, en grand détail, l’histoire et les caractéristiques des principales confréries, dans le monde d’abord, puis en Afrique du Nord et particulièrement en Algérie, le général tire de ces éléments des conclusions et des règles de conduite pour le problème algérien.
« Les confréries religieuses qui ont tout fait dans le passé pour la stabilisation du pays, regardent encore moins vers l’Orient prometteur que les élites intellectuelles musulmanes, nourries cependant dans la pensée française en même temps que dans les lettres arabes. Plus proches des masses populaires, celles qui notamment s’appuient sur les éléments berbéro-kabyles sont aujourd’hui dans l’expectative mais n’ont pas perdu confiance en la France : elles représentent toujours l’élan mystique de l’esprit et écoutent toujours l’appel du terroir… »
D’ailleurs, la vérité n’est pas simple :
« Quelques confréries ont pu, à certains moments, mener contre les chrétiens une propagande acharnée, secrète et d’autant plus dangereuse, évoquant, dans les masses, le vieux mythe du Makdi (messie) ou du Moul El Saa (maître de l’heure) qui doit, dans la croyance populaire, entraîner l’Islam tout entier à la victoire. Toutefois, à d’autres moments, nombre de chefs religieux, soit par ambition, intérêt personnel, ou toute autre raison plus élevée, se sont montrés loyalistes envers la France et l’ont aidée dans son action. Rappelons, par exemple, le concours précieux apporté par les Tidjania en Algérie, par les Taybia d’Ouezzan au Maroc. »
« Les principes français de neutralité en matière religieuse nous commandent par ailleurs de ne pas intervenir dans leurs croyances mystiques et dogmatiques. Nous risquerions, s’il n’en était pas ainsi, de déclencher contre nous un fanatisme religieux toujours latent. Et c’est pourquoi nous n’avons pas à intervenir dans le problème qui se pose à l’heure actuelle aux chefs de confréries. »
Il convient, en outre « que dans les rapports de la France métropolitaine avec les musulmans associés à son destin la formule : France-Islam ne soit pas considérée comme la véritable formule de base. La France est une unité géographique et culturelle, l’Islam est une religion… En séparant l’idée religieuse de l’idée politique un grand pas serait accompli en vue de la compréhension réciproque des esprits. »
Enfin, pour conclure en quelques mots :
« Afin de convaincre les musulmans algériens de la justice de la cause que nous défendons, des prises de contact continues s’imposent. Rien ne vaut, pour la compréhension réciproque, de se voir, de causer, de faire des tours d’horizon, de juger les difficultés locales, etc… Et c’est là qu’intervient la personnalité du chef pour comprendre les individualités, les clans, les groupements et se faire comprendre par eux… » ♦