Le commandant Watrin
En un triptyque de trois « nuits », situées entre 1940 et 1942, se déroule le drame de deux consciences. L’une, est celle du commandant Watrin, vieux et héroïque soldat de métier, animé par la foi du devoir. L’autre est celle du lieutenant Soubeyrac, réserviste, instituteur de son état et résolument pacifiste. Les deux hommes s’opposent d’abord. Soubeyrac ne voit dans la rudesse de son chef qu’absence de sensibilité en général et haine à son endroit. Mais un événement dramatique fait naître un trouble et des incertitudes dans la pensée du lieutenant : d’inattendues lumières semblent éclairer l’âme du commandant. Lui-même sent monter en lui des sentiments plus nuancés : jusqu’ici il avait voulu faire la guerre sans son revolver d’ordonnance, maintenant il l’emporte avec lui. Le comportement de Watrin, durant la confusion de la défaite, rapproche les deux hommes.
« …Il (le lieutenant) allait saluer mais le commandant lui arrêta le bras et lui serra la main. C’était une poignée de mains prolongée et douce, douce. Le Vieux ouvrit la bouche pour parler, la pomme d’Adam monta puis descendit, mais il se tut… » Prisonniers dans un même oflag, une évolution parallèle et inverse se produit en eux : le vieux soldat a pris la guerre en horreur, le pacifiste a senti la nécessité de la violence. Si bien qu’au cours d’une tentative d’évasion, le commandant revendique le poste le plus dangereux, celui où la mort viendra apaiser sa conscience torturée. Évadé, le second prend la relève. « Cette guerre n’était plus la vôtre, mon commandant, elle est la mienne ! » méditait-il sur la tombe de Watrin. Et, répondant à un de ses camarades qui qualifiait son chef de héros, il disait : « Moi, je crois plutôt que c’était un saint ! » ♦