Selon les interprètes actuels de la théorie du père de la géopolitique, Sir Halford Mackinder, les relations Est-Ouest peuvent être utilement analysées comme la perspective d'un affrontement permanent entre l'imperium soviétique (Heartland, c'est-à-dire la zone pivot du monde constituée par l'Eurasie) et l'imperium des États-Unis (Outer Crescent, c'est-à-dire le croissant insulaire extérieur). Entre ces deux puissances, des zones d'affrontement existent : les croissants intérieurs, marginaux ou insulaires (Rimland ou Crescent). En Asie orientale ce sont l'Afghanistan, l'Iran et la Turquie. En Asie du Sud-Est, le croissant insulaire est constitué par le chapelet d'États qui bordent le continent de la Corée à la Malaisie en passant par le Japon, Taïwan et les Philippines. C'est pour la domination de cette ceinture du continent asiatique que la lutte est engagée entre Moscou et Pékin tandis que Washington et Tokyo y recherchent l'extension de leur puissance économique et la consolidation de leur influence diplomatique.
Déstabilisation de l'Asie du Sud-Est ?
Le retrait des États-Unis à la périphérie de l’Asie a été la manifestation la plus spectaculaire de leur échec en Indochine. Ce recul stratégique s’est effectué en ordre sur l’immense arc de cercle bordant le continent (presqu’îles et îles, archipels, de la Corée du Nord à la Malaisie, en passant par le Japon, Taïwan, les Philippines, l’Indonésie et Singapour) – le « croissant insulaire » géopolitique de H.-J. Mackinder.
L’effondrement de leur ligne avancée de défense avait alors posé aux pays groupés en 1971 au sein de l’ANSEA (Philippines, Indonésie, Singapour, Malaisie, Thaïlande) un problème sinon simple du moins clair et défini dans ses données. Un concept indonésien (Ketahanan) résumait leur parade : résilience, le développement de ses propres forces morales et matérielles, idée asiatique rejoignant l’aphorisme de Yukio Mishima : « il n’y a pas d’arme lorsque la force morale n’existe pas ». Mais cette période aura été de courte durée : à la situation statique du lendemain de la guerre d’Indochine se substitue une dynamique propre à la région, suivie attentivement par les trois puissances du Pacifique : le Japon, les États-Unis, l’U.R.S.S.
La déstabilisation régionale
Le Vietnam confronté à un dilemme
Hier encore, le petit Vietnam victorieux des puissants États-Unis constituait un défi ambigu mais encore lointain. L’arrivée de réfugiés en nombre croissant sur les côtes des États de l’ANSEA a clairement illustré la dangereuse proximité du Vietnam. Cependant cette RSVN, on la savait nationaliste, attentive et habile à maintenir la balance entre ses deux protecteurs, l’U.R.S.S. et la Chine.
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