Civilisation en marche
Spécialiste des questions sociales et sociologiques africaines, sœur Marie-André du Sacré-Cœur poursuit ici son enquête pénétrante et généreuse en Uganda [Ouganda], dans le Ruandi-Urundi [Rwanda-Burundi] et au Congo belge. Son attention – on pourrait dire son inquiétude – porte surtout sur l’évolution des civilisations primitives au contact et sous la pression de notre civilisation occidentale. Les sorts de la femme et de la famille font l’objet, de sa part, d’études attentives et scrupuleusement documentées ; éminente juriste, aucun aspect du problème ne lui échappe. La détermination des fluctuations morales et religieuses requiert aussi, naturellement, son examen.
Partout, dit-elle « … une civilisation nouvelle se crée en Afrique ; la jeunesse, avide de s’instruire, veut profiter au maximum du progrès technique mis à sa disposition. Mais déjà cette seule évolution matérielle risque d’étouffer en elle tout sentiment religieux, tout désir d’élévation morale, lesquels firent pourtant la grandeur de l’ancienne Afrique comme ils ont fait celle de l’Europe civilisée ? Ou bien, renouvelant son désir de perfectionnement moral et social, la jeunesse africaine pourra-t-elle réaliser pleinement son idéal humain et familial ? »
Elle résume ainsi le devoir des Européens : « … ce qui importe, beaucoup plus que le service rendu, c’est la façon de le rendre. Car il ne s’agit pas d’européaniser les Africains et les Africaines, mais de développer leurs virtualités, et de bâtir, avec eux, l’Afrique de demain… Car une civilisation africaine rénovée par le christianisme ne sera pas un décalque de la civilisation de l’Europe occidentale. Elle développera ses propres valeurs humaines : respect de l’autorité, cohésion familiale, hospitalité et serviabilité, joie de vivre qui s’épanouit dans le chant et la danse… »
Puis l’auteur conclut, dans l’optimisme de sa foi : « Moins logique, moins technique que la nôtre, la civilisation de l’Afrique centrale sera plus intuitive, plus accueillante, plus fraternelle… Elle aura « ses raisons que la raison ne connaît pas » et qui la guideront vers une vie plus haute, plus spirituelle, dans l’accomplissement des préceptes évangéliques qui sont à la base du perfectionnement individuel comme les réformes sociales les plus hardies. » ♦