De Pythagore aux Apôtres
C’est un ouvrage d’érudition. Le sous-titre : Études sur la conversion du monde romain, précise les intentions de l’auteur qui, avec une science incomparable de l’épigraphie, de l’interprétation des textes et des symboles, étayée par une somme monumentale de connaissances, nous entraîne dans la vie religieuse romaine des trois premiers siècles du christianisme. Nous y voyons évoluer et réagir l’un sur l’autre, les milieux païens et chrétiens. Les influences réciproques, infiniment nuancées, sont souvent préparées par des tendances internes venant de fort loin dans le temps. C’est ainsi que l’on voit le pythagorisme s’éloignant du paganisme primitif, se rapprocher du christianisme, notamment lorsqu’il fait, du saut de Sappho à Leucate, le symbole du salut par le sacrifice, cependant que Clément d’Alexandrie, évoquant le triomphe moral d’Ulysse attaché au mât de son bateau, adjure les païens de l’imiter et de recourir à l’assistance de l’Esprit-Saint en se faisant attacher à la Croix, qui est le « bois du salut ».
L’auteur cerne son sujet à l’aide de trois études :
– La première a pour objet la Basilique [souterraine] de la Porte Majeure [Rome]. Il démontre, péremptoirement, que ce monument du premier siècle était d’origine pythagoricienne et non chrétienne. Son argumentation s’emploie en particulier à mettre en lumière les tendances de la symbolique des disciples de Pythagore qui penche et se rapproche de celle des Chrétiens.
– La seconde étude est consacrée au tombeau du Viale Manzoni, voisin de la Porte Majeure. Les fresques et peintures qui subsistent éclairent sur l’origine et le sens du monument. Des gnostiques Naasséniens apparaissent en être les auteurs et l’on vit le drame de leurs consciences, écartelées entre le paganisme initial et leurs tendances chrétiennes manifestes.
– L’église Saint-Sébastien à Catacumbas est la troisième étape. Elle offre aux investigations un cimetière où se précise le cheminement du paganisme vers l’esprit chrétien. Il renferme les traces d’une secte chrétienne dissidente du IIIe siècle que les persécutions de Valérien ramenèrent à l’orthodoxie.
Ainsi, Jérôme Carcopino, en trois étapes indépendantes, mais liées par une même tendance, nous montre Pythagore s’ouvrant à la spiritualité, les Naasséniens tentant de concilier paganisme et esprit chrétien, les hérétiques de Catacumbas adhérant franchement au christianisme.
D’une parfaite objectivité, avec la prudence que donne la haute science, l’auteur ne conclut pas, mais termine sur un acte de foi en citant Tertullien :
« Sanguis Martyrum, Semen christianorum. » ♦