Le feu sous la cendre
Le but de Mr. White est évidemment de faire le point de la situation en Europe fin 1953. Comme pour la navigation, le « point » est l’intersection de lieux géométriques – deux au moins, trois au plus si possible. Dans le cas présent, deux de ces lieux sont constitués par les situations respectives de l’Europe occidentale et de la Russie, le troisième par celle des États-Unis d’Amérique, enfin la situation dans le reste du monde, sans être un facteur direct de ce point, pèse lourdement sur le résultat.
Mais, comme en navigation, ces lieux géométriques ne sont pas des lignes simples, ce sont des « bandes » dont la largeur indique l’imprécision des mesures faites pour déterminer chacun d’eux.
Dans le cadre du sujet choisi, ces mesures sont à la fois fort complexes et essentiellement subjectives ; les bandes sont donc fort larges en principe, mais Mr. White pousse si minutieusement ses analyses qui comprennent à la fois le présent et le passé récent – depuis 1940 – que, finalement, ses lieux géométriques ont une telle largeur que leur recoupement, au lieu d’un point, n’est qu’une large surface, si large que tous les choix sont possibles pour y fixer le point de chacun.
De plus, la subjectivité de ces analyses est flagrante, sauf sans doute pour l’auteur ; le point de vue américain couvre tout comme en surimpression ; par exemple, si les « Munichois » sont voués aux gémonies par l’auteur, celui-ci escamote l’abandon aux Russes – c’est-à-dire au communisme – de l’Europe orientale fait explicitement par Churchill et Roosevelt à Moscou (1943) et à Yalta et confirme à Potsdam (1945) – si bien que l’incohérence de la politique américaine apparaît comme une chose toute naturelle.
En fin de compte, le lecteur, qui a pu relever dans l’ouvrage quantité d’images et de jugements fort pertinents mais fragmentaires, reste bien perplexe en fermant le volume.
Sa lecture n’est d’ailleurs pas facile à un esprit cartésien : le plan en est confus, les idées maîtresses noyées dans les détails et floues. Enfin, les « cas concrets » d’études de personnalités typiques pour expliquer la mentalité des Européens sont pour le moins bizarres et peu liés à l’étude d’ensemble. ♦