La bataille de Casablanca
À ses œuvres déjà remarquées : La bataille de Dunkerque, La campagne de Norvège, À la poursuite du Bismarck, Jacques Mordal vient d’ajouter une intéressante étude sur La bataille de Casablanca. Il s’agit du combat de trois jours (8, 9 et 10 novembre 1942) que se livrèrent Français et Américains lors du débarquement de ces derniers au Maroc. L’auteur retrace les divers combats autour de Port-Lyautey, à Fedala, autour de Casablanca, et à Safi, en donnant une description extrêmement détaillée que lui permet une connaissance évidemment très poussée de son sujet. Il s’étend plus particulièrement sur l’engagement des navires : croiseurs, contre-torpilleurs, torpilleurs et sous-marins, apportant des précisions et des renseignements qu’on ne saurait trouver nulle part ailleurs. Il souligne l’héroïsme déployé de part et d’autre dans l’accomplissement du devoir, quelque pénible que pût être celui-ci. Il met bien en valeur l’invraisemblable chance qu’eurent les Américains de trouver du calme plat sur cette côte du Maroc, surtout en cette période de l’année.
Il a fallu à l’auteur une bonne dose de courage pour traiter aussi complètement ces événements douloureux. Il l’a fait dans le même esprit que celui des Américains au lendemain de la bataille et qui pourrait se résumer ainsi : « Vous avez accompli votre devoir en soldats disciplinés : non seulement nous ne vous en voulons pas mais nous vous admirons. Et maintenant sus à l’ennemi commun ! » L’auteur pose la question : « Cette tragédie était-elle évitable ? » Oui, répond-il, si les Américains avaient prévenu à temps les défenseurs du Maroc. Ceux-ci, non avertis, craignant des représailles pour la métropole, ne pouvaient pas agir autrement qu’ils l’ont fait. Mais les Américains pouvaient-ils prévenir ? Cette opération était, il ne faut pas l’oublier, extrêmement risquée. La traversée de l’Atlantique s’effectua à peine quelques mois après le moment où la guerre sous-marine avait atteint son apogée. La moindre indiscrétion pouvait provoquer un désastre. L’état-major interallié pesa les risques et accepta tous ceux qui ne provenaient pas des Allemands eux-mêmes. C’est ce qui explique l’état d’esprit des Américains dont nous avons parlé plus haut. Le but cherché était pleinement atteint ; les sous-marins hitlériens, divertis sur Dakar, n’intervinrent que trop tard ; l’opération réussissait dans l’ensemble et le tournant de la guerre était atteint.
C’est dans ce même état d’esprit qu’il faut lire ce livre, si probe, et, comme lui, ne pas marchander son admiration à ceux qui surent, dans la discipline, force principale des armées, accomplir un devoir extrêmement pénible au plus grand nombre. ♦