Les Dieux et les Hommes (1943-1944)
Résistant de la première heure, fondateur du mouvement « Libération », membre du gouvernement provisoire d’Alger, Emmanuel d’Astier apporte une contribution nouvelle et substantielle à l’histoire de la Résistance. Ayant vécu les faits qu’il relate, il les juge par rapport à cette Résistance, sans ménagements pour les hommes qui méconnurent l’ampleur du mouvement, le limitèrent ou hésitèrent à l’appuyer. Son récit est essentiellement celui de ses relations avec ces hommes.
La note dominante apparaît dans l’effort tenace entrepris par Emmanuel d’Astier pour vaincre l’indifférence et les méfiances, formulées ou non, qu’il rencontra auprès des Anglo-Saxons, d’une part, auprès des Services de la France libre, d’autre part, quand il les adjurait d’armer les forces de l’intérieur, fort dépourvues et de plus en plus exposées. Les précisions qu’il donne à cet égard sont révélatrices. L’écart entre l’effectif des combattants clandestins, et la quantité insuffisante des armes qu’il put leur faire tenir justifie apparemment ses indignations. Encore rend-il un juste hommage à M. Winston Churchill qui, impressionné par les progrès du mouvement « insurrectionnel » français, se décida enfin, mais tardivement, à faire intensifier ces envois d’armes. Il demeure, selon l’auteur, que cette aide, si elle facilita une participation de premier ordre de la Résistance aux opérations de « Libération » eût pu, et dû, être plus opportune, plus résolument conduite, partant plus efficace.
On regrettera, avec l’auteur, cet état de division endémique qui a caractérisé les rapports entre services alliés au cœur de cette longue préparation de la victoire. C’est un jour décevant projeté sur des hommes voués à une grande tâche, mais que des susceptibilités nationales exacerbées, ou une intransigeance maladive de leurs natures arrêtaient au seuil d’une coopération nécessaire et intégrale : Emmanuel d’Astier nous fait assister à des dialogues entre chef du gouvernement britannique et chef du gouvernement provisoire français, qui atteignirent, la veille même du débarquement en Normandie, à un diapason de rupture. L’avenir dira si l’histoire de la Résistance fut celle d’un « soulèvement contesté et d’une renaissance trahie ». Mais on ne saurait nier – et Emmanuel d’Astier en apporte le témoignage irréfutable – qu’elle fut dans son ensemble fidèle à la tradition impérissable de la France. ♦