Les grandes heures du général Pétain : 1917 et la crise du moral
Le printemps de l’année 1917 a marqué une des phases les plus critiques de la Première Guerre mondiale. À la suite de l’échec sanglant de notre offensive du 16 avril, des mutineries éclatèrent qui s’étendirent rapidement jusqu’à plus de la moitié des divisions françaises, sans épargner les corps d’élite eux-mêmes. Notre armée se trouvait menacée d’une dissolution totale, telle que l’Armée russe, notre alliée, venait d’en donner le déplorable exemple sur le front oriental, en s’écroulant tout entière et en livrant ses lignes à l’ennemi.
Mais ces événements tragiques et l’immense danger qu’ils ont fait courir au pays sont généralement mal connus. À peine ont-ils été soupçonnés des Français eux-mêmes en 1917, tant le bâillon de la censure leur fut rigoureusement appliqué. Depuis lors, dans l’euphorie de la victoire, nul ne se soucia de les retracer. C’est cette lacune que l’auteur du présent ouvrage s’est efforcé de combler, en exposant d’abord comment en l’espace de quelques semaines cette crise redoutable fut conjurée et le plus fort du péril écarté.
Appelé au commandement en chef dans ces conjonctures difficiles, le vainqueur de Verdun sut rétablir l’ordre et la discipline dans une masse de deux millions d’hommes meurtris, frémissants et découragés, et ramener dans le devoir les égarés, par une répression, mais conduite avec autant de tact que de fermeté, qui, joignant l’humanité à la rigueur, réduisit au strict minimum le nombre des exécutions capitales.
Si douloureuse qu’eût été cette page de notre histoire militaire, elle méritait d’être rappelée parce qu’elle a la valeur d’un enseignement. D’une part, on y verra, mis en application par un chef clairvoyant et sage, en même temps que psychologue averti, une sorte de technique du rétablissement moral qui peut servir de modèle. D’autre part – et la constatation est réconfortante – l’Armée en se ressaisissant si promptement et si complètement, démontrera ce qu’étaient le merveilleux ressort et la valeur foncière de la race française. Ainsi exalté et maintenu au plus haut point, ce moral dont le général en chef a obtenu la guérison à force de soins, de patience et de vigilance, ne fléchira plus jusqu’à la victoire finale, dont il sera un des facteurs essentiels, animant d’un souffle puissant l’Armée de 1918, ce merveilleux outil de guerre forgé et retrempé par Pétain, et qui, entre les mains de Foch, permettra au grand stratège de briser l’orgueil germanique. C’est à quoi s’est attaché l’ouvrage du lieutenant-colonel Henri Carré, d’un style vivant et clair, rigoureusement documenté – bien des chiffres et des faits seront, pour le lecteur une révélation – et où l’auteur a fait preuve d’une objectivité remarquable. ♦