Ferdinand de Lesseps
Il a paru déjà beaucoup d’ouvrages sur Ferdinand de Lesseps, mais la difficulté de son œuvre avait besoin d’être éclairée et personne ne pouvait mieux le faire que le directeur général honoraire de la Compagnie du Canal de Suez. Il a paru largement puiser dans les archives de la Compagnie et dans des collections de documents privés. Ce qu’il nous apporte c’est un livre bien informé et vivant, où apparaissent tous les obstacles que de Lesseps eut à surmonter. D’où le très grand intérêt de cet ouvrage. Qu’y a-t-il de plus passionnant que de voir un puissant esprit attaché à une grande œuvre, de suivre ses efforts et d’assister à son succès ? De Lesseps consacre toute son activité à la solution d’un problème de géographie humaine posé depuis des millénaires. Il lui faut unir la prudence du diplomate à l’énergie audacieuse de l’homme d’action, concilier les intérêts les plus opposés, gagner des appuis au Caire, à Constantinople, à Vienne non moins qu’à Paris, lutter contre le gouvernement de Londres.
Quand l’entreprise est lancée, il doit réagir contre les déceptions, les critiques, réparer les erreurs, apporter des encouragements. Après le drame de la diplomatie, celui des « travaux », tel qu’il est exposé dans un chapitre du volume, n’est pas moins attachant. On les suit de près sur ce sol désolé, où tout est à créer pour y faire vivre des milliers de travailleurs. Enfin, malgré tous les obstacles matériels et politiques, le canal est creusé. Il va être inauguré, alors que de Lesseps en sait les imperfections qui ne sont pas sans lui inspirer des craintes. Les plus hautes personnalités du monde politique et savant assistent à l’inauguration en novembre 1869 ; quarante navires le franchissent. C’est le « triomphe », brillamment présenté dans la dernière partie du livre. De Lesseps a caché son angoisse ; il assiste avec calme au couronnement de son œuvre. Il a soixante-quatre ans, il va épouser une jeune fille de vingt-et-un ans, Hélène de Bragard. Ses cheveux sont blancs, mais il donne une impression de force et de sérénité. Il a réussi dans ce qu’il avait voulu réaliser, unir l’Occident et l’Orient, rapprocher les peuples et les civilisations. ♦