Le débarquement, 6 juin 1944
M. Georges Blond, à qui nous devons déjà Le Survivant du Pacifique et Convois vers l’URSS tente, dans ce nouvel ouvrage, de faire la synthèse des nombreux livres et mémoires déjà publiés sur le débarquement de Normandie. Il y réussit dans une très large mesure, étant donné l’ampleur du sujet. Les lecteurs y trouveront un tableau clair de l’histoire de ce grand événement, de sa préparation principalement, ainsi qu’une énumération forcément succincte, des immenses moyens matériels qu’il nécessita, depuis le LST qui fut pour ainsi dire la cheville ouvrière, jusqu’aux Mulberries, les ports artificiels, sans lesquels il eût été impossible.
Quelques détails ont toutefois échappé à l’auteur. Si les heures de débarquement ne furent pas les mêmes sur les cinq plages ce ne fut pas à cause d’une « disposition différente des obstacles » (p. 133) mais parce que l’heure de la pleine mer n’est pas la même en ces divers points comme le savent bien tous les marins (et d’autres). Cela n’a sans doute pas beaucoup d’importance. Par contre, certains jugements sont peut-être contestables, du fait que l’auteur ne disposait pas encore d’un nombre suffisant de documents. D’après lui, M. Churchill aurait toujours été opposé au débarquement de Normandie, préférant agir en Méditerranée et dans l’Égée, avec des arrière-pensées politiques. Le nouveau tome des Mémoires de l’éminent homme d’État permet de faire justice de cette opinion fort répandue. Il a toujours su que l’Allemagne ne serait vaincue que par l’engagement de toutes les ressources militaires (aériennes plus spécialement) des États-Unis et de la Grande-Bretagne, ce qui ne pouvait se faire avec efficacité que sur l’autre rive de la Manche. La vérité c’est qu’il redoutait cette opération. Il était encore, à cette époque, impressionné par la puissance allemande, par la valeur de ses soldats (Anzio et Cassino n’étaient pas faits pour infirmer cette croyance). Il avait peur d’un échec dont les conséquences pouvaient être incalculables et c’est avec une véritable angoisse qu’il vit approcher la date fatidique (inéluctable après les promesses faites à Téhéran à Staline). C’est seulement lorsqu’il prit connaissance des plans détaillés, au cours des derniers mois, qu’il fut saisi par la puissante logique du plan, par la force vraiment irrésistible des moyens mis en œuvre, et c’est alors qu’il écrivit au général Marshall la fameuse phrase : « Moi aussi j’ai mis maintenant tout mon cœur dans cette opération », parfois si mal interprétée, et qui a donné naissance à l’opinion dont M. Blond s’est fait l’écho.
Par ailleurs, le livre de M. Blond présente un très vif intérêt, il constitue un résumé fort utile de cette opération « amphibie », le plus grand débarquement de l’Histoire.