Pour que l'Europe dont la construction vient de recevoir une nouvelle impulsion par les élections du 10 juin 1982 ne soit pas seulement celle des marchands, celle de la finance, pour qu'elle ait aussi une âme, une culture, il faut qu'elle assume la francophonie. Il nous appartient donc de défendre la place de la langue française dans cette Europe-là si nous ne voulons pas qu'elle devienne une annexe du monde anglo-saxon.
Europe et francophonie
On parle aujourd’hui beaucoup de l’Europe, très peu du rôle de la langue française, encore moins de la francophonie et de sa place dans l’Europe qui prétend se construire. Cette absence s’explique par un faisceau de causes : goût pour le sensationnel, méconnaissance des réalités et des difficultés élémentaires véritables, intérêt artificiellement orienté sur des questions jugées plus importantes, ignorance parfois de la réalité francophone, etc.
Bref, l’Europe des marchands est plus soucieuse d’exhiber des « porte-parole » que de savoir quel sera le support linguistique desdites paroles. Peu importe la langue parlée (…pourvu qu’elle soit anglaise), peu importe même ce qui est véritablement dit (surtout si par dix fois Europe rime avec bon vote), oui peu importent ces « détails » et qu’on en vienne à l’essentiel ! Ainsi parlent les sérieux.
Mais si justement l’essentiel résidait en bonne partie dans cette prétendue zone des détails ? Si l’avenir de la France en Europe, si l’avenir de l’Europe véritablement européenne, si le véritable enjeu et si l’indéniable marque d’une sincère et profonde volonté européenne résidaient là ? C’est cette même absence que relevait tout récemment Jacques Cellard dans Le Monde du 3 mai 1979 dans un article relatif à ce que l’on appelle déjà « la réforme Pelletier » – laquelle vise au renforcement de l’apprentissage de la première langue vivante, c’est-à-dire en pratique pour près de neuf cas sur dix de l’anglais – quand il écrivait : « on s’étonnera (…) que dans le tapage qui annonce et prépare les élections du mois de juin, une seule question paraisse laisser indifférents les journalistes, les partis et la représentation nationale elle-même : celle précisément de savoir si l’Europe restera européenne ou deviendra une colonie linguistique anglo-américaine. Il est temps de s’en aviser. »
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