L’expédition de Namsos
De la campagne de Norvège on n’avait guère connu jusqu’ici en France que l’opération couronnée de succès de Narvik. Sur l’opération initiale orientée vers la Norvège centrale et qui avait abouti à un échec complet un voile pudique paraissait jeté. Elle avait cependant été conçue comme la principale par le commandement britannique chargé de la conduite de la guerre sur le théâtre de la mer du Nord. Elle visait à prendre Trondjheim par un forcement du fjord, confié à la marine anglaise, et par un double débarquement de forces terrestres à Namsos et à Andalsness. Seul, ou à peu près, M. Churchill en avait fait mention dans ses Mémoires ; rien n’avait été écrit par les participants français.
La belle publication, illustrée de photographies, de M. Olivier Nesque comble cette lacune : elle donne sur l’expédition de Namsos à laquelle prit part le corps français des renseignements de première main. L’auteur, dont le pseudonyme cache une personnalité des lettres, a vécu les événements et en fait un récit détaillé et vivant. C’est la partie centrale de son livre et la plus attachante. D’autre part, le général Audet, qui commandait le corps expéditionnaire français de Scandinavie, a donné à l’ouvrage une substantielle préface, où il précise les conditions dans lesquelles s’est engagée, déroulée et dénouée l’affaire de Namsos. Le livre a donc une valeur documentaire certaine.
Il s’en dégage que l’intervention en Scandinavie imposée, au fond, aux alliés franco-britanniques par la nécessité de sortir de l’immobilité à laquelle ils étaient condamnés au début de 1940 sur la frontière française aurait pu conduire à des résultats positifs s’ils avaient agi avec rapidité et décision. Mais ils furent retardés par les délais nécessaires à l’équipement de leurs troupes pour une campagne en pays nordiques et ils hésitèrent à violer la neutralité déclarée de la Suède et de la Norvège sans un appel de la Finlande, qui ne vint jamais. En sorte que l’expédition n’était pas encore partie quand les hostilités cessèrent entre la Russie et la Finlande.
Ce fut le prétexte pour le Comité de guerre anglais, qui n’avait jamais été très chaud pour l’entreprise Scandinave, d’y renoncer contre l’avis du gouvernement et du commandement français. Renoncement temporaire mais fatal car, un mois plus tard, quand l’expédition de nouveau décidée allait prendre la mer pour mettre fin à l’exportation des minerais suédois par les eaux territoriales de la Norvège, les Allemands prenaient possession des aérodromes et des ports de ce pays. Dès lors les alliés, qui avaient compté prendre pied sans obstacle en Norvège, y trouvèrent, à défaut de troupes terrestres nombreuses, l’aviation allemande déjà installée en force. Et cette aviation, agissant en pleine puissance, sans opposition possible de la part des Alliés, suffit à empêcher ceux-ci de s’implanter sur la côte norvégienne. La marine britannique recula devant les risques d’un forcement du fjord de Trondjheim et les corps expéditionnaires débarqués à Namsos et à Andalsness durent promptement être rembarqués. L’action se reporte sur Narvik moins accessible à l’aviation allemande et aboutit à la prise de la ville : succès sans lendemain mais qui terminait au moins avec honneur la malheureuse campagne de Norvège.