La défense de l’Europe
Dans ce livre, comme dans ses œuvres précédentes, le critique militaire anglais bien connu montre à nouveau toute la richesse de son imagination, tout son mépris pour les idées toutes faites, tout son souci de traiter tous les problèmes actuels et en particulier ceux que beaucoup d’hommes responsables hésitent à regarder de face, sans doute à cause de leur nouveauté et de la difficulté qu’il peut y avoir à leur trouver des solutions. Le titre du livre répond, d’ailleurs, mal à l’ensemble des questions envisagées. À juste raison, Liddel Hart ne sépare pas les problèmes d’hier des « énigmes » de l’éventuelle guerre de demain.
Parlant de la Seconde Guerre mondiale, il est opposé au déterminisme historique, et estime que les défaites subies alors par les armées sont essentiellement dues aux erreurs des hommes. Et s’il est extrêmement sévère pour le commandement français – « le cas français » – auquel il reproche de ne pas avoir compris le rôle des blindés, d’avoir sous-estimé le rôle de l’aviation et dont l’esprit se mouvait au rythme de 1918, nous devons reconnaître qu’il est tout également dur pour des hommes comme Churchill et Eden ou pour les généraux russes de 1941.
Pour demain, Liddell Hart croit que « pour survivre, les formes de civilisation supérieure dépendent non point de leur force de résistance élémentaire, mais de l’intelligence avec laquelle elles s’appliquent à imaginer des moyens de défense supérieurs ». Aussi croit-il à la nécessité de développer toutes les formes de guerre technique.
Il croit à la guerre aérienne stratégique et à l’importance de l’Afrique du Nord comme bases pour les avions chargés de la mener. Il pense que la bombe atomique peut peut-être empêcher la guerre, mais que celle-ci une fois déclenchée, elle ne sera très probablement pas une arme décisive. Il en craint d’ailleurs l’emploi généralisé, pour les puissances de l’Europe occidentale, étant donné la fragilité de celles-ci, aux coups venant de l’air. « On ne jette pas de pierres quand on habite une maison de verre. »
Il croit aussi, d’ailleurs, à l’importance de l’aviation tactique, car « une armée terrestre importante dotée d’une faible aviation serait moins efficace qu’une aviation puissante avec une armée plus réduite. » Pour lui, les grandes unités blindées ne sont pas périmées, mais il demande un allégement de toutes ces grandes unités, une possibilité pour elles de se mouvoir en tous terrains, en un mot la mobilité, sans laquelle on ne peut réaliser ni la masse ni la vitesse qui sont à l’origine de toutes les victoires.
Dans l’organisation des armées, il s’élève contre le système « vétuste » de la conscription qui ne donne que des armées mal instruites et d’un moral douteux, et qui conduit à des dépenses considérables pour le personnel au détriment de l’achat du matériel indispensable.
Par ailleurs, se basant sur ce que lui ont dit les généraux allemands qui ont combattu l’Armée rouge, il dépeint fort bien l’évolution de l’Armée rouge pendant la dernière guerre. Mais pour l’avenir elle reste pour lui une énigme, car le régime soviétique « n’encourageant pas la critique » et le choix des chefs se portant surtout sur des hommes « politiquement sûrs », il est donc possible, dit Liddell Hart, que « l’Armée rouge 1949 au lieu d’être quatre ans en avance sur l’Armée rouge 1945, n’a fait que rétrograder ».
Tels sont quelques-uns des sujets traités par le critique anglais. Puisse ce bref résumé inciter les officiers de tous grades à se plonger, non dans la lecture, mais dans l’étude de ce livre aux idées quelquefois discutables, mais toujours intéressantes et suggestives.