Deux hypothèques pesaient sur la politique du Japon après sa défaite de 1945 : l'alignement sur Washington et le renoncement à la défense par les armes. Dans un premier temps, jusqu'en 1972, il s'est progressivement libéré de la première tout en gardant le bénéfice de l'alliance américaine et il a assoupli la seconde tout en demeurant opposé à l'arme nucléaire. Dans le même temps il a connu une prodigieuse ascension économique qui l'a placé au troisième rang mondial et en a fait le concurrent, mal supporté parfois, des États-Unis et de l'Europe. Depuis 1972 son engagement dans la « Zone Asie-Pacifique » s'est affirmé, indépendamment de toute prise de position idéologique. Mais plus récemment, après l'échec des négociations de paix avec l'URSS, il a penché vers Pékin avec qui il a signé, le 13 août 1978, un traité qui fait de lui le partenaire de la Chine et l'associe à la modernisation de celle-ci.
Cet engagement plus marqué survient à un moment où l'action soviétique sur le continent asiatique et sur les mers qui le bordent se fait plus pressante. Ceci pose à nouveau au Japon le problème de sa défense, limitée à la possession de moyens conventionnels de portée restreinte et qui ne peuvent en rien constituer un instrument de puissance. Peut-il être tenté dans ces conditions par un hégémonisme économique qui ferait suite à son nationalisme guerrier d'autrefois ? C'est cette évolution de la politique du Japon de 1945 à nos jours que retrace ici l'auteur.
Mille ans de participation à l’histoire ont donné à nos pays d’Occident une grande expérience des rapports internationaux. Le Japon au contraire est dans une position singulière : son éloignement dans ses îles lointaines et sa longue claustration volontaire lui ont valu de traverser les siècles en restant presque absent de la vie du monde. L’insularité et l’inexpérience ont été pour beaucoup dans son aventure militaire et sa défaite. En dépit de son relèvement, elles pèsent encore sur ses relations d’après-guerre.
Pendant un quart de siècle, ce géant par l’économie sera resté curieusement effacé sur le plan politique. Son problème n’était certes pas facile. Pour la deuxième fois dans son histoire moderne, c’était de s’insérer dans la communauté internationale pour y acquérir une place, une place assez considérable, mais cette fois-ci « en douceur ». Sa rentrée n’était pas facilitée non plus par son environnement. Les incertitudes et les tensions de l’après-guerre se sont en partie déplacées vers l’Est, et tandis que l’Europe paraît relativement stabilisée, l’Asie se révèle une terre de conflits. Cela a contribué à une certaine timidité du nouveau Japon. Son avance diplomatique est restée en retard, en retrait, sur son expansion économique. Sa politique en est encore à un stade expérimental. Comme toutes choses chez lui aujourd’hui, elle est recherche et mouvement. Aussi est-ce dans son mouvement même que nous essaierons de la décrire. Cela nous amènera à la suivre dans deux opérations successives : de 1945 à 1972 un progressif dégagement – dégagement d’une position abritée de vassalité – et depuis 1972 un engagement, où le Japon commence à s’exposer aux orages extérieurs, comme un navire qui sort du port pour trouver le gros temps.
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Asie ; Japon