Guerre froide à Berlin
Le général Lucius D. Clay a publié ses souvenirs qui viennent de paraître en une bonne traduction. L’ancien gouverneur militaire américain en Allemagne y trace le tableau de l’administration américaine et des forces déployées pour démocratiser l’Allemagne sous son proconsulat. Œuvre considérable, accomplie avec une véritable passion, que celle de cet ancien collaborateur d’Eisenhower, appuyé sur deux conseillers principaux, Murphy, pour la partie politique, et Draper, pour la partie économique. Pendant trois ans, l’auteur a lutté avec une calme obstination pour ce qu’il a cru utile à la paix de l’Europe et du Monde : le relèvement d’une Allemagne vaincue et convertie à la démocratie. Le général Clay a voulu, en effet, sauver les Allemands d’un désespoir qui les eût livrés au communisme. Il a tenté de leur délivrer un message et de leur donner le sentiment d’une responsabilité autonome. Son optimisme était, d’ailleurs, l’expression de l’optimisme de l’Amérique entière où s’est développée, dans ces années cruciales, une véritable mystique de la régénération du peuple allemand. À cet idéalisme se joignait, d’ailleurs, chez le chef américain, un esprit positif qui se refusait à demander à son pays de subventionner indéfiniment l’économie germanique.
Le livre contient également d’intéressantes précisions sur les relations russo-américaines. Après 1947 et l’échec de la Conférence de Moscou, Clay ne se fit aucune illusion, ni sur la constitution de la bizone, ni sur le caractère inéluctable de la parade soviétique. Il ne cache pas qu’il redoutait par-dessus tout de voir les représentants des Soviets accepter la création d’un gouvernement unique pour toute l’Allemagne, ce qui leur aurait permis de le noyauter pour le démolir.
Œuvre austère, sans grand agrément de forme, mais puissamment intéressante pour l’histoire de l’après-guerre.