La guerre pour la paix 1740-1940
Paul Léon, de l’Institut, à qui la France doit tant, du point de vue artistique, notamment les chefs-d’œuvre qui dominent la colline de Chaillot, ne s’était fait, jusqu’ici, connaître comme auteur que par des ouvrages consacrés à l’art, comme récemment : Eaux et Fontaines de Paris ou Paris, histoire de la rue.
Voici que cet ancien normalien, agrégé d’histoire, se classe d’emblée comme un historien de tout premier ordre. Mettant à profit de longues années d’exil provincial, Paul Léon a, en un volume de près de 700 pages, donné une synthèse de deux siècles d’histoire diplomatique, de 1740 à 1940. Ce récit se distingue, comme tous ceux sortis de sa plume, par une clarté élégante, classique. Le style s’apparente à celui d’un Voltaire ou d’un Renan. Sa lucidité ne comporte guère d’indulgence et, arrivé à une vieillesse, d’ailleurs merveilleusement verte, l’auteur ne dresse pas un bilan bien enthousiaste de ces deux siècles d’histoire politique de notre pays. Celui-ci pourrait, comme Louis XIV, confesser : « J’ai trop aimé la guerre ». Le plus grand nombre de ces guerres, de l’avis de l’auteur, n’ont pas été déclarées pour la défense de la patrie et souvent moins suscitées par l’intérêt national que par la passion de la gloire ou le désir de la revanche, ou bien encore le mécontentement intérieur. Cette histoire, empreinte d’une amertume presque désabusée, ne dissimule aucune des faiblesses de ceux qui se sont succédé à la tête de la France. En très bonne place, Paul Léon a inscrit comme particulièrement coûteux les deux Napoléons. Il ne craint pas, au contraire, dans un chapitre intitulé : « Le Napoléon de la paix », de rendre à Louis-Philippe, à son avis véritable martyr de la paix, cible de maints attentats et d’innombrables sarcasmes, l’hommage qu’il mérite par sa sagesse et son esprit politique.
Il n’est pas possible ici de résumer ces analyses fondées sur une documentation qui paraît aussi abondante que sûre. On ne peut que conseiller aux hommes d’État, d’aujourd’hui et de demain, la lecture d’une pareille œuvre écrite avec tant de sagesse et de philosophie sereine.