La Resa degli ottocentomila
Pourquoi l’armée allemande forte de 800 000 hommes, bien armés, disciplinés et nullement démoralisés, qui combattait au printemps 1945 en Italie du Nord, se rendit-elle, sans prolonger sa résistance, soit sur la ligne gothique, soit dans des opérations de retardement ? Pourquoi l’Italie du Nord fut-elle sauvée avec le minimum de destructions, échappant au sort de « terre brûlée » prévu par Hitler ? À ces questions, l’auteur de ce livre donne réponse en révélant dans leur moindre détail les curieuses négociations secrètes nouées entre le général SS Hoffmann et son adjoint le Standartenführer Dollmann, avec Allen Dulles, chef des services secrets américains à Berne, par l’intermédiaire du Cardinal Schuster, archevêque de Milan, et d’un représentant de la grosse industrie italienne, le baron Parrilli. Négociations qui eurent lieu par contact direct et se déroulèrent, il va sans dire, à l’insu de Mussolini et de Hitler, mais avec l’accord tacite de Kesselring et de Vietinghoff, son successeur.
C’est vers l’automne 1944 qu’eurent lieu les premiers sondages, sur l’initiative, semble-t-il, de Himmler. Celui-ci visait à obtenir, sur le front sud, sinon une paix séparée, du moins « une retraite stratégique » en bon ordre des armées allemandes qui ne fût pas trop troublée par les Alliés et les partisans italiens. Ces troupes, dans sa pensée, pourraient être utilisées sur le front soviétique et contenir l’invasion de l’Allemagne par l’Est. Les négociateurs SS étaient prêts à ces conditions, non seulement à abandonner leurs alliés fascistes, mais à aider à leur « liquidation ». Cette première tentative, trop ambitieuse, échoua, les Alliés demeurant fidèles à la formule de Casablanca. Mais des contacts étaient pris et le Haut Clergé italien, les représentants de la grosse industrie, afin d’échapper au régime de la « terre brûlée » demeuraient partisans d’un décrochage « à l’amiable » de la part de l’occupant.
Au printemps 1945, la crise militaire allemande s’étant aggravée, les négociateurs nazis firent preuve de prétentions plus modestes ; ils capitulaient cette fois, en s’engageant à renoncer à toute destruction pourvu que les partisans italiens s’engageassent à ne pas attaquer les troupes allemandes, engagement qui fut respecté de part et d’autre. In extremis, un veto soviétique faillit tout compromettre. L’URSS tenait à prolonger les hostilités de façon à favoriser la marche de Tito sur Trieste et la Vénétie. Les Italiens, pour les mêmes raisons, aspiraient à un dénouement rapide. Le 22 avril, Allen Dules recevait de Washington l’ordre d’arrêter toute tractation avec les Allemands. Le projet d’accord n’en fut pas moins observé, comme si de rien n’était, par les Allemands comme par la résistance italienne ; Mussolini, ses hiérarques et ses miliciens, qui, jusqu’à la dernière minute, crurent à l’existence d’un « réduit » de la Valteline, firent les frais de l’opération. Le 29 avril, quand fut signé l’armistice de Caserta, Tito était à Trieste.
On lira avec le plus vif intérêt le récit de ces négociations secrètes peu connues en France jusqu’à présent, et sur lesquelles M. Lanfranchi, directeur du « Nuovo Corriere della Sera » de Milan a recueilli des documents de première main et des témoignages directs des principaux protagonistes, notamment du baron Parrilli.