Calonne, 1734-1802
M. Pierre Jolly, qui occupe les importantes fonctions de directeur des Services de la Chambre de commerce de Paris, est en même temps un historien de grande valeur. Il s’est spécialisé, depuis longtemps déjà, dans l’étude de l’histoire financière et économique de la fin du XVIIIe siècle et nous lui devons deux excellents livres sur Turgot et Necker.
Cette fois, c’est à Calonne qu’il consacre un ouvrage d’une élégante précision de style et, en même temps, d’une incontestable originalité. L’auteur a, en effet, entrepris, et on peut dire, réussi, à réhabiliter celui qui, dans une lettre de Londres adressée au Roi le 9 février 1789, se déclarait déjà en butte à d’atroces calomnies. Le ministre réformateur du règne de Louis XVI, victime sans doute de son élégance, de sa gentillesse, qui furent souvent prises pour de la légèreté, fut en même temps la cible d’hostilités dangereuses, car c’était celles de personnes aussi haut placées que la Reine et que la célèbre fille de Necker, Mme de Staël.
M. Jolly a, pendant des années, dépouillé une littérature énorme, imprimée et inédite, relative à cette période et à l’action du ministre. S’il ne dissimule pas ses travers, il met également en pleine lumière son action puissante, réformatrice en matière d’agriculture, des beaux-arts, de commerce, d’industrie et de travaux publics. Il nous montre un Calonne audacieux en ses conceptions financières et économiques mais, en même temps, beaucoup plus strict dans le maniement des deniers de l’État que ne l’ont prétendu les chansonniers du temps, toujours dangereux au pays de France. Peut-être Louis XVI eût-il échappé à son destin s’il avait plus fermement soutenu une tentative aussi hardie que celle de l’Assemblée des Notables et que le plan de Calonne, inspiré par un esprit réalisateur et progressif. Le ministre vécut tristement dans l’exil et mourut à peine de retour d’Angleterre, le 29 octobre 1802. C’est donc en même temps une fresque d’histoire, en France et à l’étranger, que M. Pierre Jolly déroule avec talent sous nos yeux.