Avant-propos
La signature, en août 1978, du traité de paix et d’amitié sino-japonais, puis l’échange d’ambassadeurs entre Pékin et Washington, la tournée de Deng Xiao Ping aux États-Unis et sa volonté exprimée de mener à bien la modernisation de la Chine avec l’aide des industries occidentales et japonaises, enfin le conflit sino-vietnamien déclenché immédiatement après cette tournée et manifestant la détermination de la Chine de ne pas tolérer à ses frontières une péninsule indochinoise d’allégeance soviétique par Vietnam interposé, autant d’événements qui ont fait penser à maints observateurs que l’on assistait à une déstabilisation : dorénavant « bien éveillée » et en marche vers son destin de grande puissance du XXIe siècle, la Chine, en prenant appui sur le Japon et les États-Unis, déséquilibrerait non seulement l’Extrême-Orient mais à plus long terme tout le système mondial.
Qu’en est-il en fait ? À la vision schématique traditionnelle du triangle Moscou-Washington-Pékin n’est-il pas tout aussi abusif de substituer aujourd’hui l’opposition à Moscou d’un axe Pékin-Tokyo ? Quelles sont d’ailleurs les forces réelles de la Chine et sa capacité de peser sur le système mondial en affrontant l’Union soviétique ? Et dans tout cela que devient l’Europe ? Quelle doit être son attitude et celle de la France en particulier face à cette évolution ? Doit-elle aider à la modernisation de la Chine, y compris celle de ses forces militaires ? N’est-il pas à craindre qu’au nom de la « Realpolitik » et nonobstant les querelles idéologiques du passé, les deux Grands du communisme ne se réconcilient un jour aux dépens des Occidentaux ?
Ces questions, nous nous les posions, avec bon nombre de nos lecteurs, au printemps de cette année. C’est pourquoi notre direction a décidé alors d’organiser sur ce thème un colloque qui s’est tenu le 31 mai dernier à l’occasion de l’assemblée générale de notre association, le Comité d’études de défense nationale (CEDN).
À ce colloque ont pris part des spécialistes des problèmes de l’Asie, de l’Union Soviétique et du « conflit » Moscou-Pékin. Leurs exposés sont reproduits ci-après dans leur forme d’expression orale à peine retouchée. Sans doute nos lecteurs pourront-ils y relever quelques imperfections de forme ; nous espérons qu'en revanche ils en apprécieront la spontanéité et la sincérité. Nous donnons également à la suite de ces exposés une brève indication des remarques et commentaires auxquels ils ont donné lieu de la part de certains auditeurs. ♦