Journal du secrétaire de Gœbbels 1940-1945
C’est une nouvelle contribution, pittoresque et instructive à l’histoire secrète du national-socialisme et de l’Allemagne pendant la guerre, que nous offre la Jeune Parque avec la traduction du journal du secrétaire de Gœbbels : Rudolf Semmler.
À défaut du journal rédigé par Gœbbels lui-même, à raison d’une heure par jour, et qui, paraît-il, constituait 23 gros volumes qui sont sans doute aujourd’hui perdus, ces notes de son collaborateur nous donnent de l’œuvre et de la personnalité de Gœbbels une image saisissante. Ce ne sont évidemment que des extraits de l’ouvrage d’ensemble laissé à sa femme réfugiée en Allemagne du Sud par l’auteur que l’on suppose encore prisonnier de guerre en Russie. Mais ces passages, très intelligemment choisis par McLachlan et annotés par G.S. Wagner, sont suffisants pour se former de Gœbbels une image exacte. Il émerge de la foule des primaires brutaux dont Hitler, qui ne les dépassait guère que par son dynamisme démoniaque, jugeait bon de s’entourer. Son cynisme était total, son mépris pour les hommes et, aussi, le plus souvent, pour les femmes, était aussi profond que celui de son maître, mais il se laissait moins souvent duper que lui. C’était, on ne saurait le nier, un homme de grand talent et d’un courage personnel considérable, mis au service d’une cause mauvaise et à l’avance perdue.
Semmler est précieux à consulter quand il s’agit de voir par quelles méthodes ce virtuose excellait à travailler les masses germaniques amorphes, grâce à ses agences de presse, de photographies, à ses journaux, à sa radio, à son théâtre, au cinéma et à son art presque génial de démonstrations et de mises en scène populaires. Nous trouvons, dans ces extraits de Semmler, des aperçus bien intéressants sur quelques-uns des événements les plus sensationnels de l’histoire de la guerre, par exemple sur l’attentat contre la vie du Führer le 20 juillet 1944, sur l’œuvre véritablement titanesque entreprise par Gœbbels pour duper le peuple allemand et lui faire croire en une victoire en laquelle sa lucidité ne lui permettait plus d’espérer. Ce fut une des désillusions les plus tragiques de cette carrière singulière que celle qui suivit le dernier sursaut d’espoir que lui apporta, le 13 avril 1945, la nouvelle de la mort du président Roosevelt.
Petit livre bien suggestif, qui illustre avec beaucoup de pittoresque une des périodes les plus shakespeariennes de l’histoire d’Allemagne.