600 milliards sous les mers
Parmi les livres si nombreux consacrés aux États-Unis, il n’en est pas de plus intelligent que celui-ci. L’auteur l’avait d’ailleurs déjà en partie écrit sous forme d’articles envoyés au cours d’un grand reportage à l’excellente Gazette de Lausanne toujours si bien informée sur les problèmes étrangers. Bertrand de Jouvenel sait s’élever au-dessus de simples contingences ; sa puissance de synthèse lui permet de dominer les problèmes européens comme les américains et les mondiaux. Il sent la force et la grandeur de l’Europe, mais ne dissimule rien de sa faiblesse et le moment est venu où ce vieux continent ne pourra, à son avis, subsister que s’il s’appuie sur la puissance de celui qui l’a créé et fécondé : l’américain. C’est merveille de voir disséquer les éléments de cette puissance incomparable et les ressorts de sa prospérité.
Ce livre est à méditer par ceux qui ont notre charge mais on peut se demander, non sans une certaine inquiétude, si les États-Unis engagés, eux aussi, dans ce que les Allemands nommaient la Grosspolitik ne vont pas être obligés, pour défendre la liberté du Monde, de renoncer à une bonne partie de la leur. L’institution militaire ne jouait jusqu’ici qu’un rôle tout à fait accessoire chez eux, or, elle se développe puissamment. La puissance publique est contrainte de se concentrer. Eux aussi, les États-Unis, vont connaître un étatisme de plus en plus renforcé. C’est là la rançon, inévitable, semble-t-il, de la garantie qu’ils se voient eux-mêmes obligés de fournir à la Paix et à la liberté du monde.