Histoire de l’Empire britannique
Dans cette histoire récente de l’Empire britannique, M. Jacques Crokaert tente de nous expliquer l’espèce de miracle que constitue le rassemblement d’un tiers de l’humanité sous l’égide anglo-saxonne et la constitution d’un empire cent fois plus étendu territorialement que sa métropole. Le monde moderne, dit l’auteur, vit au rythme du monde anglo-saxon. Cette hégémonie est le fait capital de notre temps. À quoi tient la supériorité de ces bâtisseurs d’empire ? Telle est la question à laquelle s’efforce de répondre M. Crokaert.
Aussi ne se borne-t-il pas à nous donner l’énumération des faits qui ont abouti à cette construction gigantesque et qui constituent « un grand drame passionné, une exaltante et magnifique épopée », il cherche, en quelque sorte, à nous donner la philosophie de cette genèse. En des pages fort bien venues, M. Crokaert nous montre l’éveil de la vocation maritime et commerciale chez un peuple jusque-là tout entier agricole et le franchissement des étapes sur la voie de l’immense réalisation : victoire sur l’Espagne qui ouvre tout grand l’horizon, victoires sur la Hollande et la France qui consolident les gains et éliminent des concurrents dangereux, révolution industrielle qui oblige à s’assurer des sources de matières premières et à se créer de vastes marchés, impérialisme pur dérivant de la ruée de l’Europe vers les colonies, enfin émancipation des Dominions, devenus des États adultes et se fondant harmonieusement dans le Commonwealth des Nations britanniques.
Nous ferons tout de même à M. Crokaert le reproche de n’avoir pas des notions très exactes sur l’histoire maritime qui domine, évidemment, son sujet. C’est ainsi qu’on peut lire (p. 216) : « Sur mer, le bailli de Suffren fut défait à quatre reprises par l’amiral Hugues, dont l’escadre ne comptait que neuf navires alors que la flotte française en comptait douze. » C’est dépouiller bien gratuitement de sa gloire « l’amiral diable », sans en ajouter beaucoup à des adversaires qui n’ont pas besoin d’une telle aumône. Même observation pour Trafalgar qui nous est ainsi présenté (p. 280) : « Meilleur marin que Villeneuve, Nelson s’était placé sous le vent et avait disposé tous ses navires en ligne. »
Ces réserves faites, il n’en reste pas moins que le livre de M. Crokaert est fort intéressant et mérite d’avoir de nombreux lecteurs.