Allemagne et Allemands. T. I
C’est une œuvre vraiment colossale, dont le savant professeur de littérature allemande à la Faculté des Lettres de Nancy vient de poser la première base. Œuvre immense, fruit de quinze années d’études et d’enseignement, et qui devrait être comme le livre de chevet pour tout chef, militaire ou civil, qui est appelé par ses fonctions à travailler en contact avec les Allemands. Il ne s’agit rien moins, en effet, que d’une synthèse des problèmes allemands tels qu’ils se posent, non seulement du point de vue strictement littéraire, mais du point de vue général de la civilisation germanique. Ce pays, en constant « devenir », avait reçu de Bismarck, avec la victoire, et de la défaite de 1918, un aspect unitaire. La débâcle de 1945 l’a disloqué.
Robert Minder se pose, au cours d’une enquête qui s’étendra sur trois énormes livres, la question, à ses yeux fondamentale, de savoir comment l’Allemand lui-même s’imagine et, à travers les siècles, a imaginé les différentes régions dont l’ensemble constitue sa patrie. Sous quelles formes, par quels symboles, ces aspects se traduisent ; comment ils se sont peu à peu imposés à la nation entière pour former le concept de l’Allemagne. La question essentielle – pour la France et l’avenir de l’Europe – est de savoir comment les complexes impérialistes de l’Allemagne moderne – bismarckienne puis hitlérienne – pourront se dénouer, puis une « cristallisation » meilleure, plus humaine, pourra s’opérer. Il ne s’agit donc pas, ici, d’une simple étude régionaliste, d’un répertoire de folklore, mais d’une histoire de la sensibilité, de l’idéologie sentimentale et politique de nos voisins. Une pareille enquête suppose la connaissance profonde de la langue, de la littérature, de la philosophie, de l’art sous toutes ses formes, des différents pays. Dans le premier volume sont étudiées les parties de l’Allemagne qui intéressent plus particulièrement notre pays : Ruhr, Sarre, Palatinat, Rhénanie. Ce germaniste hors pair étudie ces questions vitales en toute objectivité, sans se targuer, par exemple, d’aucune suprématie naturelle de l’esprit français. Il tend à la révision de toutes les valeurs périmées, et, s’il veut essayer de guérir les Allemands de leur germanocentrisme névrosé, il demande à ses compatriotes de repenser en profondeur le problème social et politique de l’Occident, et à une échelle intercontinentale.