Faites travailler l’Allemagne
On sait la compétence de notre collaborateur René Lauret en matière germanique. Il a passé de longues années à Berlin comme correspondant d’un grand journal ; depuis la guerre, il n’a cessé d’étudier les problèmes internationaux et, particulièrement, les Allemands, ce à quoi le préparait parfaitement sa culture de germaniste. Le petit livre qu’il vient de publier est comme le condensé de ses expériences et de ses réflexions sur la question allemande qui a si longtemps dominé la vie française et qui est un élément essentiel du problème européen et mondial.
La caractéristique de l’esprit de René Lauret semble être le réalisme. Il fait abstraction de toute passion et nous donne, avec une franchise qui confine parfois à la brutalité, malgré l’élégance toujours impeccable de l’expression, son diagnostic sur la situation : selon lui, elle n’est pas bonne ; après trois aimées d’occupation, les Alliés – surtout les Anglo-Saxons – l’ont vu empirer ; les difficultés et les charges qu’elle leur impose n’ont cessé de s’accroître.
René Lauret ne mâche pas ses mots. Quelles que soient nos préoccupations à l’égard de l’Allemagne, les craintes que justifie son attitude passée envers nous, nous ne pouvons faire abstraction des nécessités fondamentales qui s’imposent, si nous voulons que ce grand peuple vaincu renaisse. Ce n’est pas d’ailleurs par pure bonté d’âme que René Laurel formule ces vœux, mais il ne dissimule pas l’obligation où se trouvent les vainqueurs de sortir par tous les moyens les Allemands de leur misère et de leur chaos actuel. Il critique, sans le moindre ménagement, les illusions qui ont régné au sujet de l’éventualité de transformer un peuple industriel, d’ailleurs aujourd’hui amputé d’une partie importante de son territoire, en une Nation purement agricole. Il montre, chiffres en main, que si nous voulons espérer non seulement ne plus aider l’Allemagne, mais encore en tirer des réparations substantielles, il est obligatoire de favoriser sa reconstitution industrielle. Ceci n’empêchera pas, bien entendu, qu’elle reste, pendant de longues années, soumise à une surveillance aussi stricte que possible, mais rien ne pourra être obtenu au moment, espéré, tant que ne sera pas pratiqué un conseil fondamental exprimé par le titre même de l’ouvrage : « Faites travailler l’Allemagne. »