Cet article est, certes, la réponse du berger à la bergère annoncée dans la présentation de l’article du colonel Geneste, « De l’anti-cités à l’anti-forces » de notre numéro de décembre. Mais le but recherché ici n'est pas une polémique entre experts, aussi distingués soient-ils. L’importance de cet exposé dépasse largement ce propos. On constate en effet ici ou là, dans la presse ou lors de débats publics, que la crédibilité et l'efficacité de la stratégie anti-cités, fondement de la doctrine française de dissuasion, est mise en cause, alors qu'un large consensus national s'est instauré autour de notre politique de défense. Il s'agit donc essentiellement de répondre à ces critiques, après avoir très brièvement retracé les grandes lignes du concept de défense « du faible au fort ». Il faudrait aussi insister sur le risque que présente pour l'avenir de l'humanité l'idée que l'arme atomique est une arme comme les autres. Nous reviendrons sur ce risque ultérieurement.
La dissuasion française et la stratégie anti-cités
Depuis la dernière guerre mondiale, deux phénomènes ont bouleversé la technique des armements : l’apparition des explosifs nucléaires, qui permettent de réaliser instantanément et avec un nombre d’armes limité des destructions considérables ; les progrès rapides et continus dans le domaine des missiles qui ont fourni les moyens pour délivrer ces charges nucléaires à très grande distance. Tirant parti de ces possibilités nouvelles, la France s’est dotée de forces nucléaires stratégiques qui peuvent opérer sur le territoire d’un agresseur, même s’il s’agit d’une grande puissance, des destructions d’une telle ampleur qu’elles soient inacceptables au regard de l’enjeu que pourrait représenter la conquête ou la destruction de la France.
La dissuasion résulte de l’existence de cette capacité au plan technique et de la volonté affirmée de l’utiliser, s’il était porté atteinte à nos intérêts vitaux. Le principe de la dissuasion n’est pas nouveau. Mais, alors qu’avant l’apparition de l’atome, elle cherchait à annihiler l’espérance de victoire de l’adversaire, la dissuasion vise maintenant à lui garantir une punition sans commune mesure avec le bénéfice attendu de l’agression. On a remplacé « ne m’attaques pas, car tu ne pourras pas me battre » par « ne m’attaques pas, car même si tu me bats, tes pertes seront supérieures à tes gains ».
Il faut évidemment que la capacité de destruction soit assurée, quelles que soient les mesures prises par l’adversaire pour se protéger ou pour détruire préventivement nos forces nucléaires. C’est pourquoi le niveau qualitatif de nos charges et de nos missiles doit être en permanence adapté aux progrès des moyens défensifs. C’est pourquoi aussi nous devons veiller sans relâche à assurer l’invulnérabilité de nos systèmes stratégiques, notamment en diversifiant les composantes de la F.N.S.
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