Les quarante jours (10 mai-19 juin 1940)
Le général de Cugnac expose dans son petit livre Les quarante jours, les grandes lignes de la bataille de France et explique les causes de notre défaite.
Tout d’abord, il attire l’attention sur la disproportion des forces et des matériels en présence, ainsi que sur la symbiose char-avion réalisée dans la Wehrmacht. En France, le fétichisme de la ligne Maginot, joint au plan stratégique inconsidéré, fait déployer l’armée française d’une manière illogique, empêchant les réserves d’arriver à temps pour colmater la percée allemande.
Exposant le plan allemand, il noie la perspicacité du grand État-major du Reich qui, ne pouvant suivre dès le début le plan Schlieffen, prépare la bataille de rupture. L’exécution en est confiée aux 10 divisions cuirassées appliquées au centre affaibli par suite des menaces sur les deux ailes et des déductions hâtives sur une possibilité d’un débarquement rapide en Angleterre. C’est en partie à cette crainte qu’il attribue la manœuvre de la Dyle qui aboutit à une bataille de rencontre pour laquelle l’armée n’est pas dotée du matériel nécessaire. Cette insuffisance de matériel, qui est, du reste, une des caractéristiques de l’Armée française de 1940, lui paraît une énigme et une faute inexplicable, après les avertissements de Munich, l’Anschluss, la conquête de la Tchécoslovaquie et la campagne de Pologne.
Passant aux événements, le général de Cugnac expose le déploiement français, l’insuffisance des réserves dépensées dès le début, le mauvais emploi de nos unités blindées dans une guerre prévue défensive, la faiblesse de la charnière de Sedan à Longwy contre laquelle sept divisions cuirassées sur dix vont s’acharner, suivies par un même nombre de divisions d’infanterie motorisées, suivies elles-mêmes par des divisions d’infanterie du type ordinaire.
L’audace allemande dans sa marche vers la mer après la percée aurait pu recevoir une sévère leçon si les Alliés avaient pu agir vite, mais les troupes étaient fatiguées, les effectifs réduits par les combats de Belgique ; les Anglais regardaient du côté de la mer, les Belges capitulaient. Le commandement annihilé par la supériorité de l’ennemi a eu comme premier réflexe la couverture de Paris et le moment favorable à une contre-offensive ne s’est plus présenté.
La manœuvre d’Abbeville s’est ainsi déroulée suivant les prévisions de l’État-major allemand et les Alliés y ont perdu la moitié de leurs forces.
La manœuvre de Pontarlier s’est déroulée dans des conditions analogues, quoique sur des distances plus grandes, et le retard apporté à l’évacuation de la ligne Maginot a permis aux Panzer allemands de réaliser le gigantesque coup de filet qui a abouti à la capitulation de l’Armée française.
La disproportion des forces était telle que, pendant cette action les Armées allemandes occupaient Paris, et poussaient au cœur de la France. Le général de Cugnac écrit que peut-être 4 000 chars, 400 avions, soit environ 100 000 hommes suivis par des divisions d’infanterie motorisées et d’autres ont eu raison de l’Armée française ; c’est là une preuve que les troupes les meilleures, le matériel le plus puissant, et une conception stratégique réaliste obtiennent le succès et que la vitesse et la force triomphent de l’immobilité.
M. le général de Cugnac estime du reste, que la fin de la guerre a donné une entière satisfaction d’amour-propre à l’Armée française et que nos soldats, munis d’un puissant matériel moderne, nos divisions blindées, nos troupes motorisées et notre État-major, rajeuni dans ses conceptions et ses méthodes, ont retrouvé partout le chemin de la victoire.
Ce petit livre remarquable et d’un puissant intérêt est à lire et à méditer ; c’est un précis de stratégie historique qui doit intéresser les officiers et tous ceux qui peuvent avoir à s’occuper à un titre quelconque de l’organisation de la défense nationale.