Les armes secrètes allemandes
Ce livre est très intéressant sous bien des rapports : il comporte un exposé très nourri des armes nouvelles sur lesquelles compta Hitler jusqu’à la dernière minute pour renverser la décision à son avantage. Leur emploi militaire fut décidé dès 1941 après l’échec des années allemandes devant Moscou et Leningrad. Une industrie de guerre toute nouvelle fut à créer pendant que se poursuivaient les combats retardateurs de la Wehrmacht en Russie, en Italie, puis en France après les débarquements alliés. Il fallut poursuivre le ravitaillement des armées en opérations et c’est pourquoi l’industrie allemande ne put pas obtenir de bombes atomiques, car seule la puissance industrielle des États-Unis leur permettait de faire l’effort nécessaire, tout en équipant leurs armées du matériel le plus moderne et le plus nombreux.
Ainsi l’aviation alliée put surclasser l’aviation allemande et rendre possible le succès des opérations militaires, irréalisable aujourd’hui sans la maîtrise de l’air (nous l’avons bien vu en 1940). Mais Hitler avait confiance dans les fusées volantes qui renouvellent la DCA : lancées de terre ou d’avions, elles pouvaient être télécommandées par radio ou même par fil, certaines finissant leur trajectoire par autoguidage au son ou à l’infrarouge la nuit ; les chasseurs à réaction, montant en moins de trois minutes aux altitudes de croisière des bombardiers, auraient causé des pertes considérables aux raids des Alliés s’ils avaient été assez nombreux. Alors le ciel allemand eût été libéré et l’initiative des opérations aurait pu repasser aux nazis. Si les V1 furent, assez rapidement neutralisés, les V2 étaient une arme terrible contre laquelle il n’y avait pas de défense ; mais ils auraient dû porter des bombes atomiques au lieu d’une tonne d’explosif. Certains étaient prévus pour atteindre une portée de 5 000 kilomètres avec un vol plané de 4 000 km, après une flèche de 300 km : le bombardement de New York était possible.
M. Ducrocq insiste beaucoup sur le fait que l’occupation totale de l’Allemagne a été réalisée juste à temps pour empêcher le renversement de la situation militaire.
L’ouvrage renferme aussi sur chaque engin des détails intéressants sur les délais d’études, d’essais de prototypes, et de cadence des fabrications prévues ou réalisées. Ce sont là des données essentielles pour apprécier la valeur militaire des engins nouveaux.
Pour les profanes, on trouve aussi un exposé scientifique détaillé des lois de la réaction, grande innovation de la guerre (encore que l’historique remonte à l’emploi de fusées par les Chinois contre les Huns vers l’an 300), ainsi que l’emploi de liquides comme combustibles et carburants, rendant possible la propulsion de la fusée en dehors de l’atmosphère (à ce sujet, s’il reste fort peu d’air à 300 km d’altitude, des aurores boréales sont cependant visibles jusqu’à 1 000 km) et ouvrant ainsi la voie à l’astronautique dont M. Ducrocq est l’un des théoriciens.
Aussi consacre-t-il un dernier chapitre au projet de satelloïde artificiel, installé à 36 000 km d’altitude et immobile par rapport à la Terre, relais très intéressant pour la navigation interplanétaire.
M. Ducrocq termine son ouvrage en déclarant que les Allemands se sont eux-mêmes privés de la gloire d’avoir été les pionniers de l’astronautique alors qu’ils en avaient tous les éléments en mains. Pour lui, les voyages interplanétaires sont inscrits dans l’avenir de l’humanité.
Signalons enfin un exposé historique des progrès dans la connaissance de la structure nucléaire de l’atome qui valut à Otto Halm, savant allemand, le prix Nobel de Physique en 1944, comme « inventeur » de la bombe atomique.