La politique des salaires depuis la guerre
À quoi tient l’homme ? D’abord à la vie, à la santé, immédiatement ensuite à un salaire le mettant en mesure de satisfaire ses besoins élémentaires, comme ceux qui sont nés du développement de la civilisation, à une juste récompense de ses efforts, exprimée en monnaie. Pour les économistes, simple élément du coût de revient à côté des matières premières, des dépenses de machines, la rémunération envisagée, dans son sens le plus large, est bien davantage le point de cristallisation de toutes les aspirations sociales, le lieu géométrique de toutes les revendications.
Ce n’est pas parce que l’opinion publique attache généralement plus d’importance au taux du salaire ou que les circonstances présentes ont mis en vedette des notions quantitatives comme celles du minimum vital que les problèmes aussi importants que ceux posés par les transformations internes du salaire doivent être négligés.
Hier, le salaire au temps était le mode quasi généralement utilisé. Il cède peu à peu et lentement la place à des formes plus modernes qui conviennent chacune à telle ou telle catégorie d’activité industrielle, commerciale, ou agricole (salaire aux pièces, salaire proportionnel, salaire en équipes, participation aux bénéfices, etc.) Mais cette évolution doit être hâtée. À une époque où des réformes d’envergure sont tentées qui atteignent les structures même de l’économie, il en est d’autres qui, pour être plus modestes, n’en sont pas moins aussi et peut-être même plus efficaces. Il est difficilement concevable que des centaines et des milliers de salariés reçoivent actuellement une rétribution suivant des procédés qui étaient en vigueur il y a un siècle ou davantage. En matière économique et sociale, la défensive pourrait bien conduire, comme dans d’autres domaines, à l’échec. Il faut savoir d’autant plus aller de l’avant que si, dans un proche avenir, la durée du travail doit en France être temporairement augmentée, le supplément de production et de bien-être qui sera dégagé devra, grâce à des modalités nouvelles de rémunération, être judicieusement réparti entre les auteurs. Enfin, dans une économie où l’épargne tend à disparaître, où l’accumulation capitaliste s’étiole, le salaire devient le distributeur unique de la richesse produite, les rémunérations sont directement reliées aux prix des marchandises ou aux coûts des services : les augmentations des émoluments des cheminots ne tardent, pas à être suivies par l’élévation des tarifs des transports. Il serait facile de multiplier les exemples : et le livre si suggestif de Pierre Cornet en foisonne.