L’Armée nationale
Il est opportun, au moment où se pose devant le pays le problème de la réorganisation de nos forces militaires, que soit clairement exposée la nature des questions débattues.
La politique militaire, nous dit l’auteur dans l’introduction, n’est qu’un des aspects – étroitement lié du reste à la politique extérieure – de la politique générale d’un pays. Or, l’organisation de la sécurité collective n’est qu’une vue de l’avenir et l’adhésion de la France à l’un des deux grands blocs de puissances provoquerait indiscutablement l’opposition d’une part importante de l’opinion ; « seul le principe de l’indépendance française est susceptible de rallier l’unanimité de notre peuple dans un effort de défense nationale ». Voilà, nous semble-t-il, le problème posé à sa vraie place : l’armée nationale doit être édifiée en vue du maintien de l’indépendance française et de la neutralité de l’union dans un éventuel conflit.
Cette armée s’intègre dans le cadre plus vaste de la défense nationale, dont aucun texte législatif ne définit l’organisation actuelle (en annexe du livre figurent les éléments d’un projet de loi sur l’organisation générale de l’armée nationale dans le cadre de la défense nationale). Ce cadre, une fois défini de façon permanente, car les problèmes impliqués dans la défense nationale se posent dès le temps de paix, il importe d’établir l’interdépendance des armées, l’unité d’action réclamant la concentration et non la juxtaposition des départements militaires. Dès lors, se pose le problème du haut commandement ; trop vaste pour être l’apanage d’un seul, il pourrait être assuré par un groupe d’hommes hautement qualifiés et d’autorité indiscutée ; sous l’égide de ce commandement suprême, les territoires et mers de l’union doivent être fractionnés ou groupés et placés chacun sous le commandement d’un chef militaire disposant des forces nécessaires.
La notion de guerre totale, l’influence grandissante de la science, le problème posé par la construction de matériels sans cesse périmés, le recrutement de personnel et de cadres compétents, entrent en jeu dans la réforme de nos institutions militaires, en particulier dans l’établissement d’une doctrine de guerre inspiratrice des intelligences et perméable aux idées nouvelles.
Nombre, qualité, rapidité constitueront les éléments indispensables au fonctionnement d’une armée nationale, doublée de forces territoriales minutieusement organisées ; l’auteur insiste sur la nécessité d’une organisation militaire permanente et il examine les problèmes que posent le recrutement du personnel, la durée du service militaire, la formation des cadres de l’armée permanente, l’instruction des réserves. La mobilisation fait l’objet d’un chapitre à part, elle comporte la mise sur pied des forces de campagne d’une part, des forces territoriales d’autre part.
Enfin, l’auteur se penche sur les méthodes – en particulier la réforme de l’Administration centrale – qui permettraient au commandement de s’exercer efficacement. Et le général Jousse affirme dans sa conclusion « la puissance militaire de notre pays ne pourra renaître sans un immense effort des cadres de l’armée et sans, aussi, l’appui et l’affection de toute la nation ».
Ce livre objectif, solidement construit, pose les bases rationnelles de l’organisation future de nos institutions militaires ; il peut servir de point de départ aux études critiques sur cette question. Tous ceux qui, préoccupés de la grandeur de la France et de son indépendance, s’intéressent à la Défense nationale, le liront avec intérêt.