Le peuple japonais et la guerre
Peu d’œuvres, parmi celles, si nombreuses, relatives à l’histoire de la dernière guerre que nous avons dépouillées à l’intention des lecteurs, nous ont paru d’une richesse comparable à celle de Robert Guillain sur Le peuple japonais et la guerre. Nul n’était mieux qualifié, parmi les très rares Français de cette valeur emprisonnés, pendant les hostilités, au cœur de la citadelle japonaise, pour nous dépeindre, de l’intérieur même, la lutte menée par les chefs et par la multitude nippone qui les suivait aveuglément, contre la grande puissance de l’Amérique.
M. Guillain était directeur de l’Agence Havas au Japon depuis 1938. Il a connu de près la mentalité, les méthodes de travail de tous les hommes d’État et de toutes les principales personnalités militaires et industrielles du pays jusqu’au déclenchement de la lutte. Son livre nous montre, à ce moment, l’arrivée au pouvoir des chefs sans scrupule, de l’armée menée par de remuants officiers subalternes, et de Tojo qui n’est pour ainsi dire que leur exécutant. Le pacifisme est balayé, puis ce sont, après les premiers mois de conquête facile, de toute la grande Asie, les inévitables déceptions et bientôt, sous les coups de la stratégie aéro-navale des États-Unis, la chute brusque des espoirs, les bombardements impitoyables, la capitulation.
Tout cela, vu par un observateur d’une rare finesse psychologique, nous donne un tableau passionnant de ce pays lointain et, pour la plupart d’entre nous inconnu. Il ne semble pas que M. Guillain se fasse beaucoup d’illusions sur la profondeur de sa conviction à la démocratie sous la dictature débonnaire du général MacArthur. Le peuple japonais tend l’échine et s’adapte ; ses sucs assimilent lentement tout ce qui peut être absorbé en secret ; le Japon digère en silence l’occupation américaine.