La Tragédie de l’armée française
Le général d’armée Bourret vient de consacrer un petit livre fort suggestif au grand sujet que constitue le rôle joué par l’armée française en 1939-1940. Nous ne pouvons ici qu’indiquer l’essentiel de sa thèse ; elle est résolument contraire à celle qui tend à imputer au pouvoir civil et à la politique la cause essentielle de la défaite.
Le général Bourret est particulièrement sévère dans les jugements qu’il porte sur la stratégie adoptée en Belgique, en Hollande, à la Trouée de Sedan, à la ligne Maginot, maladroitement utilisée, et, au moment de la retraite générale vers le Sud des armées groupées dans la région de la ligne Maginot. L’auteur qui fut, on le sait, pendant de longues années, un des conseillers les plus écoutés du ministre de la Guerre et de la Défense nationale, ne mâche pas non plus ses mots dans la recherche des « responsabilités comparées » dont les plus lourdes sont par lui attribuées aux chefs de l’État-major général. Il prétend que l’armée de 1940 a péri par sa tête, qui a manqué à la fois d’une saine doctrine et de discipline intellectuelle. Car elle avait le devoir de commander à une armée « qui n’était construite que pour une défensive initiale nécessaire à une couverture générale ». Or, le commandement a engagé une manœuvre offensive prématurée « dans des conditions d’impéritie qui sont inimaginables. Il a montré une absence totale de talent et de caractère ». Par ailleurs, le général Bourret qui ne cache pas ses sentiments républicains et démocratiques, esquisse le rôle de l’armée de demain dans l’ensemble d’une armée internationale ou fédérale.