L’Empire de Napoléon
M. Louis Madelin continue la série de ses livres consacrés à Napoléon, et c’est le dixième que la librairie Hachette vient de publier. Il s’agit donc d’une œuvre qui, par ses dimensions, semble devoir être monumentale et prendre rang à côté des œuvres capitales auxquelles a donné naissance la vie de Bonaparte et de l’Empereur.
Ce dixième tome décrit la période la plus glorieuse, semble-t-il, de la courte carrière impériale. Tous les rêves les plus ambitieux semblent réalisés ; ils sont couronnés par le mariage autrichien, par la naissance du Roi de Rome. Avec beaucoup de finesse et de doigté, Louis Madelin note, cependant, des fissures qui semblent, dès cette époque, lézarder le magnifique édifice. L’homme lui-même – il l’avoue du reste – n’a plus son « aplomb » ; son mariage avec la jeune Autrichienne fatigue un organisme déjà prématurément usé. La famille qu’il a comblée et placée aux postes de commande de l’Europe entière, commence à s’inquiéter de la création d’une dynastie directe qu’il faudra bien caser à ses dépens. Le Pape reste, malgré tout, intraitable, et dans l’ombre, Talleyrand, pour ne citer que le plus grand, s’agite.
La partie la plus originale du livre est peut-être celle que Louis Madelin consacre à l’étude détaillée de chacun des Royaumes et des pays satellites de l’Empire. à l’action directe des lieutenants qu’a formés lui-même le Premier Consul et l’Empereur, et qui rachètent, par une incroyable activité, mise, la plupart du temps, au service des intérêts essentiels de leurs administrés, la dure tutelle qu’au nom de l’Empereur ils font peser sur eux. Grâce à ses lieutenants, celui-ci peut avoir l’illusion de pouvoir forger, en un temps relativement court, une Europe telle qu’il la veut, cimentée et recréée par ses puissantes mains.
À toute œuvre, et surtout à celle-ci, manque souvent l’élément essentiel, le temps. Le livre de Louis Madelin, comme tous les précédents, est comme la somme de toutes les recherches effectuées par des spécialistes napoléoniens sur tous les problèmes particuliers dont, en excellent professeur, l’auteur fait son profit et donne comme la synthèse. Dans ses notes et références, il les cite, d’ailleurs, fort honnêtement et ne dissimule pas que plusieurs de ses chapitres sont presque uniquement fondés sur l’étude minutieuse d’ouvrages particuliers, tels que ceux du Duc de la Force, de Lacour-Gayet, de Marcel Dunan, de Lanzac de Laborie, etc.