Perplexités et grandeur de l’Angleterre
M. Pierre Bourdan nous a donné dans son livre, Perplexités et grandeur de l’Angleterre une œuvre faite à la fois d’impressions vécues, de jolis détails pittoresques et humains et de réflexions souvent profondes sur le peuple au milieu duquel il a passé tant d’années, et plusieurs parmi les plus passionnantes et les plus tragiques de son histoire. Les notations de M. Pierre Bourdan sur la vie anglaise mériteront de prendre place à côté de celles de Thomas Grain d’Orge, de H. Taine. À les confronter, on pourra mesurer l’importance de l’évolution qui transforma la grande île.
Mais le livre de M. Bourdan dépasse le cadre du pittoresque ; il contient de pénétrantes analyses de la vie politique et nationale de l’Angleterre et de l’Empire tout entier. Il n’est pas toujours tendre d’ailleurs pour nos amis et ne leur mâche pas la vérité, mais il leur rend l’hommage dû à leur grand courage civique au cours de cette guerre. « Le 18 juin 1940, dit-il, l’Angleterre racheta toutes ses fautes passées. L’Allemagne avait voulu jeter l’histoire « pour mille ans » dans un monde germanique. La Grande-Bretagne brisa le moule et libéra l’histoire. Winston Churchill déclara ce jour-là que, quoi qu’il arrivât, les générations à venir reconnaîtraient au moins : ce fut leur heure la plus belle. Ce le fut, et l’histoire le dira. »
Dans son livre terminé à la veille de la victoire, Pierre Bourdan met l’Angleterre en garde contre l’insularité, où elle pourrait retomber. Il proclame, avec raison, que sa politique occidentale et, en particulier, ses relations avec la France sont bien plus profondes que ce qu’on entend par politique étrangère. Il lui rappelle que ce qu’elle a tenté de sauver, peut bien, dans quelques années, être aussi gravement compromis qu’en 1940. Si l’Angleterre, au lieu de prendre parti, se bornait à jeter l’ancre au large de l’Europe, ce serait le signe qu’elle fléchit dans sa lutte au moment même où il faudrait qu’elle redouble d’ardeur, et où elle-même aurait le plus grand besoin de nous. Le mode de vie qu’elle a réussi à défendre, quand d’autres ployaient sous le nombre, ce mode de vie, qui est au fond le nôtre, c’est une sorte de témoin qui doit servir à l’Europe de demain. Il n’est pas souhaitable qu’elle y renonce au moment où d’autres commencent à rallumer leurs feux après des années de ténèbres. Excellent livre de psychologie politique.