Pourquoi cela est arrivé
Le général Albord vient de publier sous un format très réduit, puisque son livre ne dépasse pas 140 pages, une œuvre riche d’idées et fort courageuse. Elle complète celle qu’il avait consacrée à la reconstitution de l’armée sous le titre : Les bases d’une armée nouvelle, dont il a été rendu compte ici même. L’auteur recherche les causes profondes de la défaite militaire de 1940. Pour lui, celle-ci n’est pas seulement le résultat d’un plan d’opérations peut-être défectueux et d’une infériorité marquée en effectifs et en matériel : elle est, aussi et surtout, celui de faiblesses et d’erreurs commises dans les milieux militaires.
Ce n’est pas un ou deux hommes, mais bien une génération militaire tout entière qui, selon Tony Albord, portent une commune et lourde responsabilité dans la naissance et le développement des facteurs du désastre. Celui-ci a été l’aboutissement logique d’un complexe de faits, d’une sorte de maladie dont les signes extérieurs ne sont pas perceptibles à tous les yeux et sont d’un diagnostic malaisé, mais qui, néanmoins, minent lentement, sûrement le corps qui en est atteint et déjouent toutes les médecines trop tardivement appliquées. Elle pourrait s’appeler « paresse d’esprit et formalisme intellectuel ». Si l’armée française a succombé, c’est que, de 1919 à 1939, la pensée militaire a subi une dangereuse éclipse en notre pays.
Cette vue fondamentale est développée en une série de chapitres suggestifs : les grands éteignoirs de la pensée militaire ; les conséquences funestes d’une loi et de la carence des chefs militaires ; le mythe de la Ligne Maginot, l’envers du décor ; les erreurs et les faiblesses du commandement. Et maintenant ?.. C’est une œuvre d’une lecture peu réjouissante, certes, mais qui porte à la réflexion et qui devrait inciter à une salutaire réaction.