Les Flottes de Combat 1947
L’éloge n’est plus à faire de ce précieux annuaire, fondé en 1897 par le capitaine de vaisseau de Balincourt, continué de 1928 à 1942 par le capitaine de vaisseau Vincent-Bréchignac, et depuis cette dernière date par M. Le Masson, qui avait d’ailleurs apporté son concours à la préparation de plusieurs des éditions précédentes. Tous les marins et le public, de plus en plus étendu, qu’attirent les choses de la mer savent quelle mine inépuisable de renseignements les Flottes de Combat, digne émule du Jane’s Fighting Ships britannique, représentent tant pour la connaissance des caractéristiques des bâtiments de guerre que pour celle de la composition et de l’évolution des forces navales des différentes puissances.
Pourtant, dans cette belle collection, l’édition de 1947 mérite une place éminente : son format est, pour la première fois, celui d’un album oblong, avec tous les avantages qui résultent de cette disposition : des photographies et des schémas plus grands, facilitant à l’extrême l’observation des détails ; une multiplication substantielle des notes explicatives et des commentaires ; des comparaisons plus aisées entre bâtiments apparentés, qui nous sont présentés côte à côte ou vis-à-vis, etc. L’illustration de l’ouvrage a été en grande partie renouvelée, et les innombrables données numériques qu’a recueillies pour nous M. Le Masson sont classées dans un ordre rigoureusement uniforme qui fait de cette œuvre de bénédictin l’instrument de travail le plus commode à manier, comme il est le plus sûr. Car bien rares et bien vénielles sont les inexactitudes qui ont échappé à l’auteur. On regrettera seulement, à cause de la rapidité avec laquelle varient aujourd’hui les flottes en service, que les difficultés éprouvées en France par l’industrie du livre n’aient pas permis d’insérer, à la suite des notices consacrées aux différentes marines, des pages blanches qui auraient facilité la tenue à jour du volume.
Passant de l’apparence au fond des Flottes de Combat, le lecteur ne tardera pas à s’apercevoir qu’il n’a pas entre les mains qu’un répertoire technique, d’ailleurs singulièrement utile, mais aussi un auxiliaire indispensable de toute étude de politique et d’histoire maritimes, pour peu qu’il discerne derrière la sécheresse des chiffres les vérités concrètes qu’ils illustrent. Par exemple, où mesurerions-nous mieux que dans le livre de M. Le Masson l’ampleur inouïe de l’effort de guerre accompli de 1939 à 1945 par l’Empire britannique et plus encore par les États-Unis ? Est-il ouvrage où se révèlent avec plus de force les bouleversements subis au cours du conflit mondial par la composition des flottes ? L’aéronautique navale n’était représentée que par quelques pages dans l’édition d’il y a dix ans, qui ignorait d’autre part les opérations amphibies ; renseignements numériques, photographies et schémas concernant L’aéronavale, les transports et les unités de débarquement absorbent une cinquantaine de pages de celle de 1947. La dernière partie du volume (p. 333 à 391), où sont mentionnés, pour chaque navire perdu au cours des hostilités, le lieu, la date et la cause de sa destruction, ne pourra manquer d’être consultée avec fruit par l’historien de la guerre maritime. Il n’est pas jusqu’à la politique étrangère suivie par certaines Nations sur laquelle l’annuaire publié par M. Le Masson ne jette une lumière nouvelle : nous pensons aux transferts de bâtiments consentis en 1945-1946 par les Anglo-Saxons à la Chine, et plus spécialement par la Grande-Bretagne à la Norvège, à la Grèce, à la Turquie.
Si les Flottes de Combat, qui sont un recueil de chiffres, s’enrichissent un jour de chapitres préliminaires consacrés à la politique navale des principales puissances, nul doute qu’elles ne prennent place dans nos bibliothèques aux côtés du Statesman’s Year Book, du Brassey et autres grands annuaires internationaux.