Journal politique 1939-1943
Le premier tome du Journal politique du comte Galeazzo Ciano qui vient de paraître dans une excellente traduction, préfacé par l’écrivain suisse bien connu Sven Stelling-Michaud, constitue une importante contribution à l’histoire de l’avant-guerre et de la guerre. On sait dans quelles circonstances romanesques ce journal put être sauvé des Allemands et comment la femme de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Mussolini réussit à le dissimuler au cours de son passage en Suisse. La nouvelle du sauvetage de ce précieux document illumina, paraît-il, le visage du condamné à mort quelques heures avant son exécution.
Le comte Galeazzo Ciano, gendre du dictateur italien, paya, ainsi, chèrement la politique d’aventure à laquelle il s’était associé par ambition personnelle. Il était, cependant, trop fin pour n’avoir pas discerné à temps à quels abîmes elle menait son pays. Ciano avait, grâce aux relations de son père avec le Duce, à sa vive intelligence, à son physique avantageux, fait une brillante et rapide carrière. Il n’avait pas hésité à se faire le serviteur docile, et presque jusqu’au bout, loyal, de l’homme qui, par son cynisme, par son aveuglement, par son mépris total de la liberté et des puissances qui la défendaient, ruina son pays, et réduisit à néant des années entières d’efforts de reconstitution.
Quand Mussolini, après les sanctions prises contre l’Italie pendant la guerre d’Abyssinie, lia son sort à celui de l’Allemagne nationale socialiste et prit la tête du mouvement révisionniste de la Baltique à l’Adriatique qui devait conduire l’Italie au Pacte d’acier du 22 mai 1939, Ciano, par légèreté, par orgueil et inexpérience, se fit l’instrument de cette politique néfaste. Il ne tarda pas, cependant, à comprendre quelle faute irréparable avait été commise. Il voua rapidement une véritable haine aux Allemands, car il comprit où les entraînaient des actes inadmissibles tels que l’annexion de la Tchécoslovaquie. Le Journal, dont le premier tome s’arrête le 31 décembre 1940, est du plus puissant intérêt, car il montre, avec une indéniable véracité, par quelles étapes la politique de Mussolini conduisit l’Italie à la catastrophe. Ces notes sont brûlantes de vérité ; Ciano témoigne d’un véritable talent pour portraicturer ses interlocuteurs et les scènes qui précèdent la déclaration de guerre et où il a eu, avec l’ambassadeur de Grande-Bretagne et André François-Poncet, ambassadeur de France, d’ultimes entretiens, ne peuvent être lues sans émotion.