Les réseaux sociaux ont désormais un impact majeur sur les opinions publiques, au risque d’une information peu fiable, voire manipulée. Mais cette réalité virtuelle est désormais imparable et joue un rôle non négligeable dans les nouvelles formes de conflictualité.
Les réseaux sociaux transforment-ils la guerre ?
Do Social Networks Transform War?
Social networks have a major impact on public opinions, with the risk of unreliable, even manipulated, information. But this virtual reality is inevitable and plays a non-negligible role in new forms of conflict.
On entend dire régulièrement : « Si Facebook était un pays, ce serait le troisième au monde » – une importance confirmée par le record de ce 24 août, où le réseau social a enregistré plus d’un milliard de connexions. La comparaison a de quoi surprendre : quel rapport entre une plateforme virtuelle de partage et de messagerie, et un État doté de frontières, de lois, d’une population, d’un gouvernement et d’une armée ? Mais États comme réseaux sociaux ne se résument pas à ces définitions : de plus en plus leurs buts et leurs domaines d’action se brouillent, se mêlent, quelquefois se confondent, remettant en cause la séparation entre virtuel et réel. De là une difficulté croissante à qualifier leurs interactions : la cyberguerre concerne aussi bien les attaques purement virtuelles, telles qu’infiltrations de réseaux confidentiels ou opérations de hacking, que celles qui ont un impact sur le réel – espionnage, attaque d’infrastructures publiques, propagande et recrutement.
Les réseaux sociaux présentent de graves risques militaires, en facilitant la fuite, volontaire ou non, d’informations confidentielles, en multipliant les menaces d’infiltration, en offrant un potentiel viral aux messages nuisibles à l’image des armées. Ils sont, malgré tout, indispensables pour les relations publiques du ministère de la Défense, en permettant un contact direct et incarné avec ses interlocuteurs, sans la médiation des journalistes ni le biais générationnel des modes de recrutement et de communication classiques. Ils permettent aussi aux militaires de se renseigner en temps réel sur des réseaux comme Twitter, plus réactifs et plus proches du terrain que l’Agence France Presse. Cette prégnance des réseaux sociaux ne remet pas seulement en cause l’arbitrage désormais classique entre nécessité de communication et exigence de sécurité, elle va jusqu’à redéfinir les rapports humains, les attentes et les conceptions de la vie en société, et transforme ainsi la guerre, tel qu’elle est perçue, vécue et pensée.
Le paradigme créé par les réseaux sociaux met en avant la notion de communauté, gratuite, collaborative et désorganisée ; où ne comptent ni le temps ni l’espace : tout y est immédiat et à portée de clic, sur un champ de bataille dématérialisé ; et où surtout domine l’image, le visuel, la désintermédiation de l’opinion publique.
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