Conclusion
Il est difficile de présenter une conclusion sur un sujet comme le Golfe et son environnement. La caractéristique de cette guerre est qu’elle est peut-être une guerre entre deux crises, et il s’agit de savoir si le conflit qui a écrasé Saddam Hussein et libéré le Koweït a aggravé ou amoindri la crise. Nous avons affaire à une région écartelée : l’est-elle davantage aujourd’hui, eu égard aux masses arabes qui, pour ne pas être impliquées dans la guerre, pèsent sur l’environnement général, ou bien celle-ci est-elle de nature à apporter la pacification de la région, comme M. James Baker l’espère ? La clé est manifestement aux mains des États-Unis, puisqu’avec la fin de la bipolarisation ce n’est pas un monde multipolaire qui s’est présenté, mais un monocentrisme dont l’Amérique est le titulaire.
Ce monocentrisme, avec la victoire qui confère le prestige, avec la puissance dont il dispose, avec le droit dont il se pare, est-il en mesure de traiter les problèmes insurmontables de l’islam ? Il est certain que face au poids de l’Amérique, avec ses certitudes morales et juridiques, sa perspective stratégique du monde, sa volonté d’un ordre d’autant plus aisé à établir qu’il s’agit, en fait, de maintenir le statu quo, les distorsions de la région paraissent de peu d’ampleur. Mais est-il sûr qu’un terme pourra être mis à cette frustration des Arabes, aux revendications de cette nation arabe qui n’existe pas sur la carte mais qui est bien réelle dans le cœur de chaque Arabe, qui constitue une aspiration vers laquelle ils se tournent et qu’on ne peut pas négliger ? L’Amérique n’a pas bonne presse dans la région, et ce n’est pas sa prééminence qui modifiera les opinions publiques arabes, tant l’expérience prouve que l’hégémonie ne fait pas que des heureux. Alors de l’Amérique et de ces difficultés arabes, qui va l’emporter ? Il est impossible de tirer déjà une conclusion, mais c’est autour de ces deux pôles que se situe la solution de cette guerre entre deux crises.
Il y a aussi le problème de la France, bien entendu. Politique arabe ou pas, mais politique qui s’élargissait au Tiers-Monde, avec un rayonnement incontestable et qui se caractérisait par sa spécificité. Politique arabe ou pas, il s’agit de savoir si la France veut encore peser dans la balance en apportant des solutions originales et en prenant des positions propres face aux États-Unis, non par opposition systématique, mais parce que nous avons avec les pays arabes d’anciennes relations, une proximité et sans doute une connaissance que n’ont pas les Américains. Il en est de même envers nos partenaires de la Communauté européenne, unis quand il ne s’est agi que d’embargo, plus réticents par la suite, de sorte qu’une diplomatie européenne risque fort de n’être que le plus petit dénominateur commun des intérêts de ses membres. Il faut donc savoir si la France entend afficher une attitude spécifique et appropriée.