À l'aube de l'année nouvelle
Les temps que nous vivons veulent d’autres souhaits que ceux, à la fois touchants et banals, qu’on échange d’ordinaire aux derniers jours de l’an. De nos amis étrangers, nous attendons un élan de cœur, l’assurance qu’ils distinguent entre ceux qui veulent dominer le monde et ceux qui défendent l’indépendance des nations, entre ceux qui ne connaissent d’autre recours que la violence unie au mensonge et ceux qui ont confiance dans la valeur éternelle du droit, entre ceux qui ont déchaîné la guerre et ceux qui, au prix de leur sang, travaillent à préparer la paix dans la justice.
Nous souhaitons que, de Français à Anglais, un seul vœu soit exprimé, ou pour mieux dire qu’une seule volonté soit réaffirmée inlassablement : celle d’une union indéfectible qui nous mène jusqu’à la victoire et qui survive à cette victoire. Notre alliance est basée non pas sur une tendance impérialiste qui répugne à notre sens de l’humanité et dont nous savons, aussi bien, que les temps sont révolus ; non pas sur une théorie raciale qu’on invoque ou qu’on renie suivant l’intérêt du moment ; mais sur une commune conception de nos droits et de nos devoirs. Dans un accord parfait de nos âmes, nous pensons que l’individu est une valeur en soi ; qu’il n’est pas un instrument ; qu’il n’est pas un moyen ; qu’il a droit à l’indépendance de ses pensées, de ses paroles et de ses actes, dans toute la mesure compatible avec l’intérêt d’une cité qui a elle-même pour mission de le protéger, et de lui assurer la sécurité dans l’exercice de ce droit.
Entre Français, quels vœux formuler qui soient nouveaux ? Voici quatre mois déjà que nous avons pris la résolution définitive, que rien n’ébranlera, de combattre la néo-barbarie jusqu’à ce que la victoire soit obtenue. C’est en vain que nos ennemis comptent provoquer des divisions dont ils s’évertuent à semer les germes parmi nous : inutile effort, dont ils pourraient s’épargner la peine s’ils nous connaissaient mieux. Ils devraient se rappeler au moins notre plus récente histoire : ont-ils oublié que de 1914 à 1918, ces Français, qu’ils croyaient impatients, ont fait de la constance leur vertu première ; que ces Français, qu’ils croyaient divisés, sont restés étroitement unis devant le danger ; que ces Français, qu’ils croyaient légers, ont été l’âme tenace de la coalition qui a arrêté, puis repoussé et vaincu l’envahisseur ? Partisans déclarés de la paix, mais adversaires de doctrines qui tendent à pervertir la conscience des hommes ; détestant les mensonges et les trahisons ; ayant sous les yeux l’exemple de nations entières envahies et martyrisées ; sûrs de défendre, comme leur claire raison l’exige, non seulement leurs familles, leurs biens, leur sol, mais l’idée qui leur est chère entre toutes, celle de liberté : les Français n’ont pas d’autre vœu que le salut de la patrie, que la sécurité de l’Europe et du monde. Ils ne se font pas illusion sur les sacrifices qui les attendent ; ils sont prêts à les supporter avec la même résolution grave qui soutenait les soldats de Verdun, parce qu’ils préfèrent ces épreuves au reniement de leur passé, à l’abdication, à l’asservissement de la France.
Comme l’a dit Sa Sainteté Pie XII, nous souhaitons que l’esprit de charité vienne effacer dans le monde les ravages que l’esprit de haine y a causés. Comme l’a dit le Président Roosevelt, nous souhaitons que les relations entre les peuples ne se réduisent plus au caprice et à l’insolence du plus fort. Comme l’ont dit M. Chamberlain et les ministres du Gouvernement de Sa Majesté britannique, nous souhaitons gagner la guerre ensemble, et imposer enfin une paix qui soit une garantie pour nos enfants et nos petits-enfants.
Le Président Daladier, dans le discours qu’il a prononcé lors de la rentrée des Chambres, s’est écrié, en parlant du front : « Là-haut, rien de mesquin ni d’intéressé ne détourne l’homme du devoir commun… Là-haut, étroitement unis, officiers et soldats ne connaissent plus d’autre loi que cette communauté fraternelle dont ils sont les indomptables défenseurs. Que ce soit sous le feu, que ce soit dans l’attente des longues nuits ou dans les jours de brume, toujours face à face avec le devoir, ils sentent s’exalter en eux ces vertus qui font la grandeur de la France. » Ces mêmes vertus, la Revue des Questions de Défense nationale s’efforcera, à son rang modeste, de les cultiver : du moins telle est son ambition. Elle éclairera, elle guidera les esprits et les consciences, vers le but que la France unanime cherche à atteindre : la victoire du Droit contre la Force brutale, de la liberté contre la servitude, de toutes les valeurs, enfin de notre civilisation occidentale et chrétienne menacée par l’alliance imprévue d’un néo-paganisme germain et d’un matérialisme oriental. Que l’an 1940 voie s’achever cette victoire : tel est notre vœu unique. ♦