Editorial
Éditorial
Après la vague d’émotion légitime suite aux attentats du 22 mars à Bruxelles, le sentiment d’une menace domestique diffuse a occulté le fait que la guerre contre Daech se déroulait également loin du territoire national. La France, depuis janvier 2013 au Sahel et depuis l’automne 2014 au Levant, est engagée avec ses forces sur plusieurs fronts.
Les opérations Barkhane et Chammal aujourd’hui, Épervier, Trident ou Pamir hier… Depuis 1976, les armées françaises n’ont cessé de conduire des opérations interarmées sur presque tous les continents et les océans. Cette capacité de projection est le résultat de décennies d’expérience et de mise en oeuvre de moyens militaires mais aussi civils pour assurer ces missions. Projeter des forces pour agir et déployer notre puissance, tel est l’enjeu aujourd’hui, alors même que les théâtres extérieurs se sont accrus et que le territoire national est devenu une priorité depuis janvier 2015.
La problématique posée à nos armées est désormais la confrontation entre les exigences demandées par les autorités politiques et les moyens disponibles, alors que les effectifs et les budgets consacrés à la défense ont été orientés à la baisse depuis des années. Cependant, il faut souligner la capacité d’adaptation et de réactivité de nos armées, qui savent faire face à ce défi opérationnel permanent. Projeter de la puissance en projetant des forces n’est d’ailleurs pas à la portée de toutes les nations. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont cette capacité. D’autres nations occidentales en ont les moyens mais pas la volonté et d’autres ni l’un, ni l’autre. La Russie, quant à elle, après deux décennies de déclin militaire, est revenue sur la scène internationale de manière spectaculaire en Syrie avec la mise en oeuvre de forces interarmées conséquentes. La modernisation de ses moyens, associée à une doctrine renouvelée, ouvre une nouvelle page stratégique où le rapport de force est redevenu la règle.
Il faut cependant souligner ici que la force d’un système militaire, outre les équipements, repose d’abord sur la qualité des ressources humaines. Être soldat, marin ou aviateur reste une exigence, dans une société où les valeurs intrinsèques militaires semblent remises en cause par une culture du zapping et de l’individualisme. Quelle place alors doiton accorder au militaire dans la cité ? Comment lui permettre d’être un citoyen à part entière ? Autant de questions qui ne peuvent être évitées aujourd’hui et dont les réponses conditionneront l’efficacité opérationnelle de nos unités évoquées plus haut.
Avec son dossier et ses articles proposés ce mois-ci, la RDN poursuit son travail d’analyse stratégique avec la certitude que le débat est indispensable et nécessaire pour dépasser le stade des émotions, et ainsi construire la défense dont la France a besoin alors même que l’incertitude stratégique est devenue le quotidien de nos armées. ♦