L’expression de la revendication professionnelle assumée par des syndicats a toujours suscité la méfiance de la part de l’institution militaire réticente à une remise en cause des prérogatives du commandement. La création des APNM (Associations professionnelles nationales de militaires) pourrait voir une nouvelle étape dans la mise en place d’un dialogue social au sein des armées.
Création des APNM : un renouveau de dialogue social dans les armées ?
Creation of the APNM: A Revival of Social Dialogue in the Armed Forces?
The expression of professional demands assumed by trade unions has always stirred up mistrust on the part of the military institution reluctant to call into question command prerogatives. The creation of the APNM (Associations professionnelles nationales de militaires) could witness a new step in the positioning of a social dialogue at the heart of the armed forces.
Associations professionnelles nationales de militaires (APNM). Expression recouvrant une diversité de conceptions et de méthodes, le dialogue social peut être compris comme un ensemble de dispositifs, informels ou institutionnalisés, permettant la compréhension entre les différents acteurs du monde du travail. Son fonctionnement repose sur la reconnaissance d’une éventuelle divergence de points de vue et d’intérêts, mais également sur la recherche d’un consensus, entre eux. Réalité multidimensionnelle (juridique, organisationnelle…), il doit rendre possible les échanges d’informations sur les questions intéressant l’ensemble des parties prenantes. Il peut aller plus loin en prévoyant de véritables mécanismes de négociation. L’objectif est alors de dépasser l’information ou la consultation sur les choix des responsables, et de rechercher un accord sur les décisions elles-mêmes, en créant les conditions pour que puissent être prises en compte les aspirations matérielles et les demandes de reconnaissance des travailleurs.
Au sein de la Fonction publique, le dialogue social a fait l’objet de profondes réformes à la fin des années 2000. En 2002, un Livre blanc constatait que les instances mises en place à la Libération étaient insuffisantes (cf. J. Fournier). Différentes séquences de réflexion ont ensuite permis l’adoption de mesures concrètes en 2007, et la signature d’accords sur la rénovation du dialogue social le 2 juin 2008 (Accords de Bercy). Les termes de ces accords ont été partiellement traduits en droit positif par le vote d’une loi dédiée (1). Cette loi vise clairement au renforcement de la place de la négociation dans la Fonction publique, son champ ayant été élargi à tous les domaines de la vie de l’agent (2). Ce nouveau cadre a également renforcé la place des syndicats dans les dispositifs permettant le dialogue social dans la Fonction publique. Dès les années 1980, les conditions matérielles d’exercice de l’activité syndicale avaient été revues. Les récentes modifications ont permis de renforcer les moyens financiers des organisations représentatives. Elles ont également amélioré les garanties de carrière des agents investis dans une fonction syndicale et mis en place des dispositifs de valorisation de leur engagement. Ces changements ont eu pour objectif de renforcer la légitimité des syndicats en tant qu’acteurs du dialogue social.
Dans une certaine mesure, ces réformes sont venues finaliser un changement progressif de paradigme. Pendant longtemps, le dialogue social a été jugé incompatible avec les statuts de la Fonction publique. La conception extrêmement hiérarchique du fonctionnement des différents corps d’agents expliquait, entre autres raisons, les réticences à développer des outils permettant d’assurer les échanges et surtout les négociations. Ce n’est qu’en 1946 que le droit syndical fut reconnu aux fonctionnaires et que les premières instances paritaires de consultation ont été mises en place. En dépit des modifications réalisées, les principes de fonctionnement du service public limitent d’ailleurs toujours l’exercice du droit syndical. Ainsi, même si le syndicalisme réclame une véritable liberté d’expression, tous les agents publics – syndiqués ou non – demeurent soumis à l’obligation de réserve. De plus, l’exercice du droit syndical doit être concilié avec le respect de la discipline. C’est pourquoi la désobéissance demeure interdite. Enfin, la grève – même si elle est un droit reconnu aux fonctionnaires et agents non titulaires – fait l’objet de limitations. Certaines catégories de personnel se voient privées de ce droit (comme les magistrats) ou sont dans l’obligation d’assurer, même en période de grève, un service minimum.
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