La lutte contre le jihadisme dans le Sahel nécessite une gouvernance et des capacités antiterroristes efficaces. Or, les difficultés des États de la région, liées à leurs faiblesses ou à leur histoire récente ne permettent pas de stabiliser la région et confrontent les puissances extérieures à des impératifs contraires. Ces difficultés, réelles et appelées à durer, ne doivent pas conduire à la résignation.
Pour une évaluation réaliste des capacités antiterroristes des États sahéliens
Towards a realistic assessment of the counter-terrorism capabilities of the Sahel states
The battle against jihadism in the Sahel requires efficient governance and counter-terrorist capabilities. However, the problems encountered by the states in the region due to their weaknesses and recent history are preventing the region from finding stability and bring external powers up against adverse demands. These problems are genuine and lasting, and should not result in resignation.
Déclenchée en 2013 pour répondre à une menace militaire immédiate au Mali, l’opération Serval s’est transformée en un dispositif régional visant, comme l’ont rapidement indiqué les autorités françaises, à assurer la stabilité de la Bande sahélo-saharienne (BSS) en luttant contre les groupes jihadistes qui y agissent. Cette mission, essentielle, vient soutenir les efforts des États de la région et s’inscrit désormais dans la durée. Nombreux, d’ailleurs, sont les observateurs qui ne lui voient pas de fin prévisible tant la situation, en dépit des efforts des différents acteurs engagés, ne paraît pas s’améliorer.
La France, nation alliée, force supplétive, puissance tutélaire ?
L’intervention française au Mali est donc devenue, en quelques mois, une opération militaire régionale (1) dont le mandat, inédit, couvre pas moins de cinq États souverains (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger, Tchad). Les forces déployées par Paris y réalisent, seules ou lors d’opérations associant des partenaires locaux, des missions de reconnaissance et des ratissages, et elles y affrontent ponctuellement les éléments de groupes terroristes. Elles y assurent également des missions de formation et d’encadrement, et y représentent parfois la seule véritable capacité offensive des États. Elles y mènent également des missions de conseil, participent à la collecte du renseignement, à la coordination interrégionale, à la gestion des crises, et nous avons vu à plusieurs reprises des membres des forces spéciales françaises prendre part activement à des opérations en zone urbaine à Bamako ou à Ouagadougou lors d’attaques terroristes (2).
Trois ans, en effet, après le déclenchement de l’intervention française au Mali, quatre ans après la déroute des Forces armées maliennes (Fama) contre les groupes armés touaregs et les mouvements jihadistes, les capacités de Bamako restent marginales, et elles ne diffèrent guère de celles de Niamey ou de Ouagadougou. Le regard plus positif que l’on porte à Paris sur Nouakchott et N’Djamena mériterait également d’être nuancé et repose manifestement sur des évaluations biaisées par la trop grande proximité des évaluateurs avec les évalués (3).
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