Nigeria: a Major African Power (December 1973)
Le Nigeria, grande puissance africaine (décembre 1973)
Le Nigeria compte parmi les pays africains les moins connus en France. Il fut longtemps considéré comme une des enclaves qui rompaient l’immensité des Afrique occidentale et équatoriale dont nous avions la charge. Après la dislocation de l’AOF et de l’AEF, rangé dans les survivances de la colonisation, il devint une sorte de « colosse », formé de trois parties hétérogènes dont l’éclatement était inévitable. Depuis l’échec de la sécession biafraise, de nombreux observateurs, constatant que le général Gowon renforce son autorité et joue un rôle grandissant sur la scène africaine, craignent que le Nigeria ne représente une menace pour l’existence de ses voisins : un pays déjà bien pourvu, qui chercherait par des manœuvres adroites à monopoliser les investissements industriels afin de devenir le centre de regroupement et le tuteur des territoires plus déshérités qui l’entourent.
Ces trois jugements à l’emporte-pièce résistent mal à l’analyse de la réalité. Le Nigeria a toujours bénéficié d’un potentiel économique et humain plus important que celui de ses voisins (1) ; le système fédéral sur lequel reposent ses institutions n’est pas parfait mais il est capable de survivre aux tensions centrifuges à la condition que le pouvoir central demeure un distributeur de richesse : l’activité diplomatique que son gouvernement paraît déployer depuis quelques mois provient moins d’une volonté d’expansion encore prématurée que de la crainte de se sentir entouré de pays adoptant à son égard une politique commune et pouvant profiter de ses faiblesses internes pour le paralyser.
En réalité, les pays francophones de l’Ouest africain et le Nigeria se connaissent mal : les élites sont formées de part et d’autre sur des bases différentes, les structures des économies n’appartiennent pas à la même tradition et ne répondent pas aux mêmes nécessités. La personnalité du Nigeria, telle qu’on la découvre aujourd’hui, est le résultat d’une longue évolution. À partir de populations dispersées en 250 tribus, l’administration britannique a su modeler, avec patience et empirisme, un ensemble relativement homogène, sans provoquer de rupture entre la tradition africaine et la modernité.
Il reste 93 % de l'article à lire